Monsieur le Ministre, continuez à écrire. Continuez à défendre ce que vous appelez « l’homme de la situation ». Mais sachez que le pays réel — celui qui ne lit plus vos rhétoriques mais écoute ses tripes — est déjà ailleurs.
DROIT DE RÉPONSE À JACQUES FAME NDONGO, chancelier des ordres académiques, Ministre d’État, Membre du Bureau Politique du RDPC, et poète officiel du pouvoir fossile de Yaoundé.
Monsieur le Ministre,
En tant que citoyen camerounais engagé, et témoin lucide de la lente agonie institutionnelle de notre République, je me permets de répondre avec la gravité que mérite votre dernière sortie, intitulée – avec un lyrisme mensonger désormais habituel – « Paul Biya, l’homme de la situation ».
Permettez qu’en guise de préambule, je vous adresse mes félicitations. Car il faut une forme rare de courage rhétorique pour qualifier d’ »homme de la situation » un chef d’État invisible, inaudible et, selon toute évidence, inapte à assumer le moindre geste républicain depuis plusieurs années.
1. Le Président gouverne ? Soit. Montrez-nous comment.
Vous affirmez avec l’assurance d’un exégète inspiré que le Chef de l’État est bien là, qu’il « préside », « gouverne », « écoute », « décide ».
Mais, Monsieur le Ministre, à quand remonte la dernière allocution spontanée du président Paul Biya ? À quand remonte le dernier conseil des ministres présidé par lui-même? À quand remonte la dernière interaction publique avec la nation, ses journalistes, ses intellectuels, son opposition ?
Pendant que vous déclamez des poèmes constitutionnels sur l’unicité du pouvoir exécutif, le peuple ne voit qu’un fauteuil vide, et une armée de porte-voix survoltés tentant de masquer le silence et l’absence du roi.
2. « Le Cameroun fonctionne normalement », vraiment ?
Monsieur le Ministre, avec tout le respect dû à votre longévité au poste actuel, vous êtes l’un des principaux architectes du désastre universitaire national.
On vous doit :
— Le scandale des 75 milliards pour les ordinateurs PBHev — ces gadgets jetables aux 3 mois d’utilisation, vendus aux étudiants comme « cadeaux présidentiels », mais financés par un prêt chinois que le peuple remboursera jusqu’en 2040.
— La politisation absolue des institutions académiques, où le mérite a cédé sa place au militantisme.
— Des détournements en série dans les grandes écoles, des examens trafiqués, des promotions fabriquées, et un désenchantement total de la jeunesse intellectuelle camerounaise.
Et vous venez nous parler de « fonctionnement normal » ? Non, Monsieur le Ministre. Le Cameroun ne fonctionne pas. Il résiste. Il survit. Il étouffe sous le poids des slogans et des dogmes d’un autre siècle.
3. « Paul Biya est le seul maître à bord » ? Peut-être. Mais le navire est en dérive.
Le problème, Monsieur le Ministre, ce n’est pas que Paul Biya soit toujours président. Le problème, c’est que vous continuez à nous faire croire qu’il gouverne encore. Que c’est lui qui impulse, coordonne, tranche, arbitre. Alors même que la présidence est devenue un cénacle opaque, un terrain de rivalité où chaque haute instruction ou chaque signature du président est remise en cause par les membres du gouvernement. La présidence est devenue un terrain de rivalités tribales, où le pouvoir réel circule entre les couloirs de la Présidence, entre les mains du DCC, du SGPR et leurs factions claniques.
Et c’est vous, qui à longueur de discours, avez théorisé ce que vous appelez « le socle granitique du président Paul Biya » — comprenez, la région du Sud. Ce tribalisme d’État, que vous maquillez en fidélité politique, est la racine même du pourrissement de la République. Car lorsque l’on réduit une nation à un bastion régional, on détruit le socle même de l’unité nationale.
4. Le peuple n’est plus dupe.
Monsieur le Ministre, vos paragraphes alambiqués ne changeront rien à l’évidence : Le président ne gouverne plus–s’il l’avait déjà fait – et vous le savez mieux que quiconque. Car vous faites partie de ceux qui s’activent fébrilement à faire campagne pour un homme qui ne peut plus se présenter lui-même en public. Un homme qui ne parle plus, n’entend plus et ne voit plus. Voilà pourquoi vous organisez des consultations autour d’un vide institutionnel, espérant que la fiction tienne jusqu’en octobre. Mais la vérité est têtue.
Et le peuple camerounais — dans sa sagesse, sa patience et désormais sa colère — se prépare à tourner historiquement la page.
En conclusion :
Monsieur le Ministre, continuez à écrire. Continuez à défendre ce que vous appelez « l’homme de la situation ». Mais sachez que le pays réel — celui qui ne lit plus vos rhétoriques mais écoute ses tripes — est déjà ailleurs.
Il a compris que le Cameroun n’a pas besoin d’un style langagier bluffant, il a besoin d’un souffle. Il n’a plus besoin de griots en toge, des intellectuels du dimanche, mais de leaders présents, compétents et porteurs d’un destin collectif.
Alors excellence, gardez vos ordinateurs jetables, vos phrases ciselées et vos déclarations en cascade. L’histoire, elle, ne vous demande plus votre plume. Elle vous adresse désormais son regard.
Alex KAMTA