Dans cet entretien exclusif avec Actu-Infos, Jean Genestar Priso, parrain du festival du chant choral de Douala et bâtisseur d’avenir, basé à Abidjan, partage sa vision pour l’Afrique et ses projets pour le continent. Ce citoyen camerounais, père de famille, est un pionnier dont la trajectoire exceptionnelle fusionne une expertise avérée en Économie et Technologies Digitales avec une passion inébranlable pour l’autonomisation du continent africain.
ACTU-INFOS : Qui est Jean Genestar Priso ?
Genestar Priso : Je suis un citoyen camerounais, profondément attaché à mes racines. Je suis également un père de famille, soucieux de l’avenir de mes enfants et des générations futures.
Mon parcours est bâti sur une double formation en Économie et en Technologies Digitales, des domaines essentiels pour le développement de notre continent. Aujourd’hui, je suis fier d’être un chef d’entreprise panafricaine, résidant en Côte d’Ivoire depuis 1985, où est basé le siège de notre groupe.
ACTU-INFOS : Comment vous êtes-vous retrouvé en Côte d’ivoire ?
Genestar Priso : Mon arrivée en Côte d’Ivoire après mon baccalauréat a été guidée par une volonté de tracer mon propre chemin et de ne pas suivre ma petite soeur dans la même université. L’excellente réputation de la Côte d’Ivoire sous le Président Houphouët Boigny, ainsi que la présence de l’un de mes oncles, ont confirmé que c’était la destination idéale. Aujourd’hui, je peux affirmer que ce choix a été déterminant pour mon parcours.
ACTU-INFOS : Pouvez-vous nous parler de l’histoire de la naissance de Genestar Group ?
Genestar Priso : C’est une histoire assez singulière, qui débute sur les bancs de la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de l’Université de Côte d’Ivoire. Pour financer mes études, je me suis lancé dans la vente d’encyclopédies auprès d’une clientèle aisée
– hauts fonctionnaires, ministres, diplomates
– dont les bibliothèques témoignaient d’une soif de savoir. Dès mes années étudiantes, j’étais donc déjà un opérateur économique, générant des revenus et réalisant des économies.
Après ma maîtrise en Gestion, j’ai envisagé un MBA à Londres, mais à une semaine de mon départ, j’ai pris la décision audacieuse de formaliser mon entreprise. Ainsi est née GENESTAR DIFFUSION BUREAUTIQUE en 1995, spécialisée dans la vente d’encyclopédies, de fournitures de bureau et de consommables informatiques, très demandés à l’époque. Notre offre était toujours dictée par les besoins exprimés par nos clients. Face à l’essor grandissant de la demande en informatique, nous avons opéré un virage stratégique en 1998 pour nous dédier entièrement à ce domaine, devenant alors GENESTAR TECHNOLOGIES SARL. C’est ainsi qu’a germé l’idée de ce qui est aujourd’hui Genestar Group.
ACTU-INFOS : Qu’est-ce qui vous a motivé à créer une entreprise informatique en afrique ?
Genestar Priso : Ma passion pour l’informatique est née en 1988, suite à l’équipement de notre faculté par le Président de la République de l’époque. Cette découverte fut une véritable révélation pour moi ; j’étais assidu et déjà animé par l’idée de capitaliser sur cette opportunité.
Les voyages professionnels que j’ai pu effectuer à partir de 1995, notamment en participant à des salons et des formations, m’ont fait prendre conscience du retard de l’Afrique dans ces rendez-vous professionnels où se décide l’avenir. Mon désir profond de servir notre continent et mes convictions panafricanistes ont pris le dessus.
C’est au prix de nombreux sacrifices que nous avons décidé de partager notre expertise avec nos frères africains.
Nous avons ainsi commencé l’implantation de nos filiales au Cameroun, au Gabon, au Bénin, en Centrafrique et au Burkina Faso. Ce maillage territorial vise à nous rapprocher de nos clients, notamment les établissements financiers pour lesquels nous offrons un appui technique sur les instruments de traitement de la monnaie et la personnalisation des cartes de crédit.
C’est ainsi que Genestar Group est devenue cette entreprise panafricaine, oeuvrant pour une Afrique solidaire et de partage.
ACTU-INFOS : Comment voyez-vous l’évolution de l’industrie informatique en afrique dans les prochaines années ?
Genestar Priso : C’est une question cruciale.
L’industrie des nouvelles technologies digitales, qui englobe aujourd’hui bien plus que la simple informatique, a toute sa place dans notre ère du numérique.
Le digital ne doit pas rester un vain slogan pour nos dirigeants, mais une nécessité absolue. Il est impensable de parler de digitalisation sans infrastructures de base et sans équiper nos administrations publiques et privées d’ordinateurs.
Il est donc impératif de mettre en place des unités de production locales pour répondre à nos besoins en matériel de travail essentiel, tant dans le secteur public (administrations, universités, écoles) que privé. Nous ne pouvons pas rester éternellement des assistés et des importateurs de tout. Le « don » de 500 000 ordinateurs au Cameroun, financé par un prêt chinois, est une illustration douloureuse de cette dépendance.
Des unités de montage d’ordinateurs en Afrique permettraient d’équiper nos institutions et même d’être fournisseurs pour la sous-région, dont les besoins sont énormes.
L’avenir des technologies innovantes est trop souvent saboté par nos propres dirigeants. C’est pourquoi un changement de paradigme est indispensable en 2025 pour remettre notre pays sur la voie du développement, pour un Cameroun de la nouvelle espérance.
ACTU-INFOS : apparemment, vous êtes comme un poisson dans l’eau à abidjan…
Genestar Priso : Si cela signifie une satisfaction totale de mon intégration dans la société ivoirienne, alors oui !
Depuis 1985, je vis dans ce pays, respectant scrupuleusement ses lois et règles, et je n’ai tissé que des liens d’amitié, tant à l’université que dans le milieu professionnel. Comme le dit s bien la sagesse africaine, il ne faut jamais cracher dans le verre avec lequel on a bu. C’est grâce à la politique d’Houphouët Boigny que je suis devenu ce que je suis, et je m’efforce de transmettre et de partager ces expertises technologiques avec la jeunesse africaine. Mes convictions panafricanistes puisent leurs racines dans cette vision houphouëtiste, ce qui explique notre rôle de pionnier des technologies innovantes en Afrique de l’Ouest et Centrale.
ACTU-INFOS : Pouvez-vous nous présenter les solutions et les produits phares de Genestar Group?
Genestar Priso : Comme je l’ai mentionné, Genestar Group a connu une évolution constante, passant d’entreprise individuelle en 1995, à SARL en 1998, puis à Société Anonyme en 2020. Ces transformations ont été le reflet de l’adaptation et de l’enrichissement de nos offres technologiques pour répondre aux besoins de nos clients. Notre premier corps de métier est l’Identification
Biométrique. Cette technologie permet d’identifier un individu de manière unique et sécurisée grâce à ses empreintes digitales, l’iris, la rétine ou la forme faciale. Elle est essentielle pour la production de documents d’identité (CNI), titres de séjour, cartes d’assurance maladie, et documents de voyage comme les passeports.
Notre deuxième domaine d’expertise est la Monétique. Nous fournissons aux établissements financiers tout le matériel nécessaire au traitement de la monnaie fiduciaire ou scripturale.
Enfin, notre troisième corps de métier est le Développement Logiciel. Notre service de génie logiciel s’attache à trouver des solutions concrètes aux défis des gouvernements africains. Parmi nos productions phares, il y a « XCOLLECT », une solution d’excellence qui contribue à l’organisation et à la capitalisation du secteur informel, lequel représente 60 à 90% des richesses produites dans nos pays. Nous avons également d’autres fonctionnalités innovantes que nous ne pouvons pas encore dévoiler.
Pour compléter nos offres, nous assurons un service après-vente (SAV) rigoureux pour la maintenance et la réparation de toutes les machines que nous distribuons, car nous travaillons direct avec les constructeurs.
ACTU-INFOS : Quelle est votre vision de l’afrique en général et dans le domaine informatique en particulier ?
Genestar Priso : Notre continent est en pleine mutation sur les plans politique, économique et technologique. Cette dynamique doit être soutenue et portée par ses filles et ses fils. Je salue une prise de conscience collective au sein de la jeune génération, avec l’émergence de nouveaux modèles inspirants. Ce réveil des consciences est marqué par des discours audacieux qui rompent avec la peur, la soumission et l’hésitation à prendre en main notre destin. Les temps changent, l’Afrique bouge, et il est de notre devoir de l’accompagner partout où cela est nécessaire.
La pensée de Thomas Sankara résonne plus que jamais : « L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte, ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort ». Il est temps de nous affirmer culturellement, intelligemment et ingénieusement face aux adversités.
C’est à ce niveau que les nouvelles technologies doivent être mises à profit pour concevoir des solutions adaptées à nos faiblesses et à nos problématiques, afin de mieux structurer les corps de métiers dont nous avons prioritairement besoin.
Pour faire avancer notre continent dans les TIC, notre vision est de commencer par une organisation méthodique des compétences existantes, pour identifier celles dont nous disposons et celles qui nous manquent. Cela nous permettra d’orienter les formations de manière ciblée. Une professionnalisation des groupements professionnels permettra de mieux cerner les difficultés, les niches d’emplois et les besoins en formation. Seuls les informaticiens et professionnels auxiliaires peuvent évaluer au mieux les besoins du pays en conformité avec la politique gouvernementale. Le ministre de tutelle, n’étant pas toujours issu de ce corps de métier, pourra ainsi s’appuyer sur l’expertise des professionnels pour une mise en oeuvre rapide et efficace des programmes gouvernementaux.
ACTU-INFOS : Comment et en quoi vos solutions répondent-elles aux besoins spécifiques des états et entreprises africaines ?
Genestar Priso : Excellente question qui me permet de détailler les spécificités de nos solutions. En tant qu’entreprise panafricaine, notre objectif principal est de trouver des solutions aux difficultés de nos administrations publiques privées. Prenons l’exemple de l’identification biométrique. Le manque de maîtrise des statistiques est une faiblesse majeure pour nos pays africains. Dans les pays occidentaux, ils peuvent identifier n’importe qui sur leur territoire, savoir qui entre et qui sort, et ainsi faire des projections économiques, sociales et infrastructurelles fiables. Conscients de cette lacune, nous avons investi dans la recherche pour produire des solutions. Nous avons été parmi les premiers intégrateurs de solutions à pratiquer l’identification biométrique en Afrique.
La même démarche s’applique à la monétique. Il est révoltant de constater qu’un pays peut battre sa propre monnaie, mais ne pas avoir la capacité technique de contrôler la fiabilité et l’authenticité des billets et pièces, ouvrant ainsi la porte à la contrefaçon. Genestar Group a anticipé ce besoin en développant des instruments de traitement de la monnaie pour protéger nos économies contre la fausse monnaie et l’inflation galopante, comme ce fut le cas en Guinée Conakry lorsque Sékou Touré a voulu se libérer du franc CFA. Nos machines permettent aux établissements monétaires et financiers de se prémunir contre la fausse monnaie.
Notre département de génie logiciel obéit à la même vision : trouver des réponses aux problématiques africaines.
Nous avons développé des logiciels comme :
* GEST HOT pour la gestion hôtelière, assurant une traçabilité en temps réel des clients et contribuant aux enquêtes sécuritaires.
* Easy S pour les petits commerçants, leur permettant de gérer leur activité depuis leur téléphone.
* XCHEQUE pour la gestion et le traitement des émissions de chèques dans les entreprises.
* Et notre production majeure à ce jour, XCOLLECT, un progiciel d’excellence pour la collecte des taxes et impôts, visant à réguler et formaliser les secteurs informels qui représentent 80 à 90% les richesses produites par nos économies, mais restent sous-capitalisés par nos États. À l’heure où la rareté des ressources se fait sentir, nos solutions incitent à la recherche de ressources additionnelles, tout en renforçant nos capacités et la fluidité économique. Elles ont un impact positif sur l’amélioration du coût et du cadre de vie.
ACTU-INFOS : Quels sont les avantages de vos solutions par rapport à celles de vos concurrents ?
Genestar Priso : Nos solutions et services se distinguent par leur originalité. En affaires, la règle d’or est de résoudre les problèmes de son environnement pour générer de la valeur. Nos solutions sont donc directement issues des faiblesses et problématiques que nous identifions, en nous inspirant et en évaluant ce qui existe déjà. Par exemple, l’identification des citoyens est une priorité pour toute nation. Il est illogique de vouloir résoudre les problèmes d’une population sans connaître sa quantité ni sa qualité. Les préoccupations des jeunes ne sont pas les mêmes que celles des personnes âgées. Cela est vrai dans tous les domaines, et d’autant plus dans le digital, qui vise à nous faciliter la vie, à garantir notre sécurité et à impulser notre productivité.
ACTU-INFOS : Comment avez-vous choisi les pays où vous avez implanté vos filiales ?
Genestar Priso : Le choix de nos implantations n’a pas été dicté par des critères spécifiques, si ce n’est l’appartenance aux deux grands espaces économiques : l’UEMOA et la CEMAC. Je dirais même que ces pays m’ont fait l’immense honneur de m’accueillir et de me permettre de travailler avec leurs ressortissants, mes frères de Côte d’Ivoire, du Cameroun, du Bénin,du Gabon, du Burkina Faso et de la RCA. C’est une richesse et une expérience formidables, une illustration concrète du panafricanisme au 21e siècle.
Chaque pays a sa propre histoire avec moi, mais un dénominateur commun est l’utilisation du franc CFA. Personnellement, j’avais déjà anticipé l’avènement d’une nouvelle monnaie et la nécessité d’être prêts à aider nos pays, particulièrement dans le domaine de la monétique, où les compétences africaines sont rares. L’histoire de la Guinée Conakry sous le Président Sékou Touré, lorsqu’elle a voulu s’affranchir de la tutelle monétaire française, m’a profondément marqué. Nous sommes d’ailleurs l’une des rares entreprises africaines à assembler nos propres machines de traitement de marque GTECH, tout en distribuant d’autres marques de renom.
ACTU-INFOS : Quels sont les principaux défis que Group rencontre dans son développement
?
Genestar Priso : Toute entreprise est confrontée à des défis pour sa survie et sa croissance. Exister dans notre environnement africain, très imprévisible, est déjà un grand mérite. C’est d’ailleurs l’une des raisons de l’expansion du secteur informel et du découragement de l’initiative privée. Le défi majeur que nous rencontrons est l’accès aux financements. Il n’existe pas de mécanismes ou de structures de financement adapté aux entreprises, et c’est encore plus difficile dans le domaine des TIC. Par ailleurs, il est ardu de changer les habitudes et les comportements conservateurs des décideurs et acteurs qui ne voient pas toujours l’intérêt de déployer de nouvelles méthodes de gestion et des moyens innovants. Je me souviens d’une présentation que j’avais faite au Ministère des Marchés Publics à Yaoundé pour la sécurisation des documents administratifs. Le responsable de l’époque s’était montré totalement réfractaire à notre solution, ce qui était compréhensible compte tenu de son âge et de son ancienneté dans l’administration. Un jeune cadre nous avait même suppliés de rencontrer directement le Ministre. Cela montre qu’il n’y a pas encore une réceptivité et une volonté suffisantes d’opérer ces mutations essentielles à l’amélioration du cadre des affaires et de nos administrations.
ACTU-INFOS : Vous êtes dans la biométrie également, c’est un élément particulier pour les élections. Pouvez-vous nous en parler ?
Genestar Priso : La biométrie est aujourd’hui la technologie la plus utilisée pour garantir une gestion transparente et équitable des élections. Elle permet une identification unique et fiable des individus grâce à des parties de leur corps, évitant ainsi les doublons et les fraudes.
Cependant, les critères de choix des partenaires ne sont pas toujours transparents.
Les décisions sont souvent prises de manière ambiguë et unilatérale par les gouvernants ou par le biais de Commissions Électorales Indépendantes (CEI) inféodées au parti au pouvoir, choisissant des opérateurs qui n’on pas toujours les références nécessaires pour inspirer confiance. Cela vide la biométrie de sa substance en tant qu’outil technique de traçabilité et de crédibilité, compromettant son rôle sécuritaire et de transparence. Il ne s’agit alors que d’une opération technique de façade, tandis que le véritable tripatouillage se déroule en back office. Ce qui est décevant, c’est l’incapacité des acteurs politiques de l’opposition à se doter des moyens de vérification et de contrôle des solutions logicielles utilisées. C’est là que réside le nœud du problème, bien plus que dans la collecte de données par des enrôlements fictifs qui servent de paravent à la tricherie. On se souvient encore des 120 000 électeurs enrôlés qui n’ont pas été retrouvés sur les listes électorales. Pourquoi les Camerounais ne se sont-ils jamais posé la question de l’identité de l’opérateur qui fournit du matériel au Nigeria, où les choses se passent relativement mieux qu’au Cameroun ?
ACTU-INFOS : Quels sont les difficultés que vous avez rencontrées lors de votre expansion en afrique ?
Genestar Priso : Globalement, nous ne rencontrons pas de difficultés majeures, notre intégration se fait le plus naturellement possible. Cependant, nous redoutons les complications liées aux exigences de visa aux frontières de nos États et dans nos sous-régions.
La libre circulation des personnes et des biens n’est pas encore une réalité pleine et entière dans les deux sousrégions, particulièrement en Afrique centrale.
Selon les sautes d’humeur et en fonction des incidents diplomatiques, des visas peuvent être exigés aux frontières, comme ce fut mon cas lors d’un déplacement au Gabon. C’est l’occasion d’insister sur la mise en place effective d’un passeport d’affaires qui faciliterait les déplacements des chefs d’entreprise africains, créateurs de richesses à travers le continent. Une proposition en ce sens a d’ailleurs été soumise aux autorités camerounaises et ivoiriennes suite au récent forum économique bilatéral public-privé Côte d’Ivoire-Cameroun- Tchad-Centrafrique à Abidjan.
Il est crucial qu’une véritable diplomatie économique se mette en place pour fluidifier les échanges et construire des ponts économiques sous-régionaux, afin de stimuler le commerce en Afrique. Vivement l’avènement de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAF) ! En tant qu’Africains, nous nous adaptons aux autres aspects.
ACTU-INFOS : Comment voyez-vous les opportunitésde croissance pour les entreprises du Digital et dans nos économies en général en afrique ?
Genestar Priso : Les opportunités sont réelles et nombreuses. Mais tout dépend de la volonté politique et d’une bonne orientation des valeurs ajoutées que les entreprises du digital pourraient générer. Il est impératif qu’à l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle, l’exécutif comprenne pleinement ces technologies innovantes. L’économie numérique affiche aujourd’hui les meilleurs taux de croissance au monde.
Pour favoriser la croissance de l’économie numérique, les États doivent se concentrer sur le développement des entreprises (start-up) et des services publics numériques. Cela facilitera l’analyse des données et la prise de décisions rapides. Au Rwanda, la transformation digitale de l’économie a permis d’atteindre un taux de croissance de 10,9%.
Pourquoi cela ne pourrait-il pas se faire au Cameroun ? C’est l’une desraisons pour lesquelles le GEDCAM (Groupement des Entrepreneurs du Digital pour le Cameroun), que j’ai l’honneurde diriger, soutiendra le candidat qui présentera un projet cohérent pour la transformation digitale au Cameroun. C’est le seul gage du développement de notre économie.
ACTU-INFOS : À cet effet, que propose le GEDCaM (Groupement des entrepreneurs du digital pour le Cameroun) pour une politique réussie sur la transformation digitale au Cameroun ?
Genestar Priso : Merci pour cette question qui me permet de partager notre vision sur la transformation digitale. Tout d’abord, il est essentiel de comprendre qu’une véritable transformation digitale est impossible sans une énergie suffisante et une informatisation adéquate, c’est-à-dire sans les équipements nécessaires au traitement des données. Ensuite, ces données doivent être transportées et mises à la disposition des services et du public. Vous constatez qu’il y a un triptyque indispensable à assurer : Énergie, Informatique et Internet. Notre pays peut-il répondre à ces exigences ? J’en doute fort…
Ensuite, nous proposons l’organisation d’un groupement professionnel sur l’ensemble du territoire pour cartographier précisément les corps de métiers et les compétences numériques existantes au Cameroun. Nous lancerons également une prospection mondiale, via nos consulats, pour identifier les professionnels camerounais expatriés.
Cet écosystème nous permettra de disposer des ressources compétentes pour élaborer un schéma directeur afin d’aligner rapidement notre pays sur les standards des nations à fort impact digital.
Dans les technologies digitales, il existe autant de disciplines que dans la médecine.
Ces questions ne peuvent être traitées que par des spécialistes. Par exemple, l’implantation de data centers est impérative ; il faudra déterminer les moins énergivores pour notre pays et assurer un SAV de qualité. Ce n’est pas ma spécialité, il faudra trouver des Camerounais mieux équipés dans ce domaine. Voilà à quoi pourrait répondre une bonne organisation de ce groupement.
ACTU-INFOS : Comment Genestar Group Sa investit- il dans la recherche et l’innovation ?
Genestar Priso : La recherche de solutions innovantes demande des moyens financiers considérables. Si le problème de l’insuffisance de financement, voire de son inexistence, est un débat majeur dans nos universités et grandes écoles, une entreprise africaine ne peut pas toujours disposer de moyens conséquents.
Cependant, nos ingénieurs se consacrent à des tâches plus modestes, notamment sur le développement de logiciels, comme ceux que j’ai évoqués précédemment. Nous gagnons également beaucoup en capacité opérationnelle grâce à notre participation à des salons et forums professionnels à travers le monde. En nous frottant aux meilleurs constructeurs mondiaux, nous avons la possibilité d’anticiper les problématiques majeures de notre continent.
ACTU-INFOS : Quels sont les domaines où vous concentrez vos efforts de recherche et de développement ?
Genestar Priso : Nous avons trois corps de métiers. Celui qui exige le plus d’investissement humain et de temps est le développement logiciel. Notre progiciel XCOLLECT, par exemple, nous a demandé cinq ans de travail pour l’harmoniser aux standards de la plupart des collectivités locales en Afrique de l’Ouest et Centrale. Nous avons intégré le fonctionnement des collectivités locales de six pays africains où nous sommes représentés. Notre développement logiciel est exclusivement axé sur la résolution des faiblesses de nos administrations.
Nous venons de finaliser une autre fonctionnalité qui permettra à nos pays africains d’enrichir leurs incitatifs. Cela ne pourra trouver un écho favorable qu’avec un gouvernement crédible. Grâce à nos solutions, nous agissons sur l’augmentation de notre PIB par la génération de finances additionnelles. Nous pouvons garantir que dès la première année d’implémentation de nos solutions, le budget du Cameroun, qui est de 7317,17 milliards en 2025, peut atteindre les 10 000 milliards, soit une augmentation d’environ 30%. Imaginez la marge de progression dans cinq ans ! Nos pays sont immensément riches, sans compter nos ressources minières et naturelles. En conclusion, nous travaillons sur des solutions concrètes qui contribuent à l’autonomie de nos pays. Même les questions monétaires nous intéressent au plus haut point.
ACTU-INFOS : Comment voyez-vous l’impact de l’intelligence artificielle et des autres technologies émergentes sur notre politique d’industrialisation ?
Genestar Priso : Le monde évolue à une vitesse exponentielle grâce à la technologie, dans le but de gagner du temps, de booster la productivité et de générer plus de ressources pour les citoyens. Dans l’industrie aujourd’hui, on parle beaucoup de Blockchain et d’intelligence artificielle, notamment dans les industries extractives et la production de biens et équipements de haute technologie. Ces technologies sont des leviers puissants pour notre industrialisation.
ACTU-INFOS : Pouvez-vous nous parler de vos partenariats stratégiques avec d’autres entreprises ou organisations, surtout ceux qui peuvent être rendus publics puisque votre secteur est un peu sensible
Genestar Priso : Il est évident que pour évoluer dans des domaines de pointe comme l’identification biométrique, la monétique et le génie logiciel, il est impératif de s’appuyer sur des partenaires techniques et opérationnels de renom. C’es t ce qui nous caractérise :nous travaillons en direct avec les grands constructeurs mondiaux dans nos domaines. Cela nous permet de bénéficier de leur savoir-faire, d’assurer la maintenance de nos équipement set leurs mises à jour. Pour des raisons stratégiques, nous ne pouvons pas les citer ici, mais nous en avons sur tous les continents. Concernant nos partenaires locaux, pour des raisons de sécurité, nous ne pouvons pas non plus les nommer publiquement. Cependant, nous collaborons avec la majorité des établissements financiers établis en Afrique francophone, ainsi qu’avec certaines multinationales, et nous avons mené plusieurs projets d’envergure. Par exemple, en Côte d’Ivoire, nous avons réalisé avec la SGS l’implantation du système de délivrance des cartes de visites techniques automobiles sur l’ensemble du territoire national. Ce projet permet à l’État de disposer d’informations fiables et d’une cartographie précise du parc automobile national.
ACTU-INFOS : Comment ces partenariats contribuent- t-ils à votre croissance et à votre succès ?
Genestar Priso : Le monde de la technologie est le plus démocratique qui soit. C’est le monde du partage d’informations par excellence, d’où l’organisation fréquente de salons professionnels à travers le globe. Nos partenaires nous apportent un soutien précieux en matière de formation technique et de mises à jour régulières des logiciels pour les différentes machines que nous commercialisons. Par exemple, lorsque les banques centrales émettent de nouvelles coupures de monnaie fiduciaire, il est impératif de mettre à jour les machines de contrôle et de comptage. Enfin, notre crédibilité et notre image dépendent aussi de la qualité de nos partenaires. Comme le dit si bien le proverbe : « Dis-moi avec qui tu chemines, je pourrai imaginer qui tu es ».
ACTU-INFOS : Quels sont les critères que vous utilisez pour sélectionner vos partenaires ?
Genestar Priso : Nos partenaires sont choisis en fonction de nos corps de métiers. Nous les rencontrons souvent lors de divers salons pour mieux nous apprécier et élaborer la meilleure approche de partenariat. Nous sommes très sélectifs et exigeants quant à la qualité du partenariat et à la valeur ajoutée qu’ils peuvent nous apporter en fonction de nos besoins en Afrique. Il nous arrive de refuser des partenariats qui ne nous semblent pas utiles pour le continent.
ACTU-INFOS : Comment Genestar Group contribue- t-elle au développement social et économique des communautés où elle opère ?
Genestar Priso : Partout où Genestar est implanté, nous employons des ressortissants locaux, particulièrement des techniciens et ingénieurs en TIC. Derrière chacun de nos collaborateurs, il y a des familles. C’est notre contribution, aussi modeste soit-elle, pour le développement de nos différents pays. Nous contribuons également à l’apport de la technologie pour la modernisation de nos administrations et à la promotion du civisme fiscal.
ACTU-INFOS : on a vu votre déploiement dans l’aES récemment, qu’en est-il exactement ?
Genestar Priso : Nous avons récemment effectué une visite auprès des autorités du Burkina Faso, pays membre de l’AES, suite à une sollicitation via notre Directeur Général Pays, M. Émilien Ouedraogo.
En tant qu’entreprise citoyenne panafricaine établie au pays des hommes intègres depuis plusieurs années, nous avons eu un séjour professionnel très fructueux. Plusieurs projets sont actuellement en cours d’élaboration dans divers secteurs.
ACTU-INFOS : Vous avez été reçu par les autorités de ces pays et la presse en a fait un large écho.
Genestar Priso : Effectivement, nous avons eu des audiences avec Monsieur le Maire de la Ville de Ouagadougou et Madame la Ministre du Ministère de la Transition Digitale, des Postes et Télécommunications Électroniques. Ces audiences ont été suivies par des séances de travail avec les services concernés. Nous sommes très à l’aise dans notre rôle de partage d’expériences avec les autorités de nos pays africains, particulièrement ceux dont le français est la langue officielle. C’est notre vision et l’esprit panafricain qui nous anime depuis la création de GENESTAR TECHNOLOGIES. La cerise sur le gâteau a été la signature d’une convention de partenariat entre l’USFA (Union Sportive des Forces Armées), représentée par le Colonel Rouamba, et GENESTAR GROUP S.A., par laquelle nous nous engageons à soutenir les actions sportives multidisciplinaires de l’USFA. Nous réitérons nos sincères remerciements et salutations africaines à toutes les autorités et personnalités éminentes de ce pays frère pour leur disponibilité et leur hospitalité.
ACTU-INFOS : Comment voyez-vous le rôle des entreprises informatiques dans la résolution des défis sociaux et environnementaux en afrique ?
Genestar Priso : Le rôle des entreprises du digital est prépondérant dans l’organisationde nos sociétés. Il suffit de voir l’impact de l’utilisation des réseaux sociaux dans nos vies. En 2024, l’Afrique compte 276,2 millions d’utilisateurs sur les réseaux sociaux, témoignant de l’intégration digitale profonde et de la soif de connectivité. L’inter connectivité des citoyens et l’accès aux services publics montrent le rôle important que devraient jouer davantage les entreprises africaines. Il est évident que la dégradation de l’environnement est liée à la pauvreté, et les entreprises du digital peuvent contribuer à l’amélioration de l’assainissement du cadre de vie et de nos environnements pour un développement économiquement durable.
ACTU-INFOS : Vous avez soutenu les deux premières éditions du Festival du chant choral de Douala, pourquoi ?
Genestar Priso : C’est une démarche tout à fait naturelle, qui me tient à coeur, compte tenu de l’environnement dans lequel j’ai grandi et de l’influence de mon éducation. Je tiens à souligner que je suis un chrétien baptisé et pratiquant, et que je suis conscient de l’importance du chant dans la louange.
L’expression « Chanter, c’est prier deux fois » est très révélatrice, même si elle n’est pas biblique et serait attribuée à Saint Augustin. Alors que les habitudes sont parfois orientées vers d’autres formes de musique, il est de notre devoir, en reconnaissance de ce que Dieu fait au quotidien pour nous, de contribuer à la construction de son oeuvre. Le Psaume 92.2 dit : « Il est bon de louer l’Éternel et de chanter des louanges à ton nom, ô Très-Haut ».
ACTU-INFOS : il semble que vous êtes un féru du chant choral…
Genestar Priso : Oh oui, j’aime beaucoup, surtout les mélodies envoûtantes qui se conjuguent avec la pertinence des messages qui y sont distillés. Il est assez incompréhensible de constater que même si un chant est interprété dans une langue que l’on ne comprend pas, on reconnaît inexorablement l’inspirateur de celui-ci par sa sensibilité et le timbre vocal de l’adoration. Et on se laisse emporter par ces airs dans la méditation et le recueillement.
ACTU-INFOS : après deux éditions, quel bilan pouvez-vous en faire ?
Genestar Priso : C’est un bilan encourageant.
Ce que j’ai appris dans l’entrepreneuriat, c’est qu’il vaut mieux commencer un projet que de ne jamais le faire. Ce « bébé » n’a que deux ans ; imaginez-le dans cinq ans seulement
! C’est dans l’action et les retours de ceux qui partagent la même passion que les corrections et améliorations se feront, pour gagner en maturité et en crédibilité. Combien de personnes ont des projets et n’arrivent pas à les implémenter ? C’est là que réside toute la différence entre les hommes: il y en a qui agissent et d’autres qui apprécient. Je reste convaincu que la sagesse et l’intelligence de Dieu nous habiteront pour consolider cette œuvre au-delà des limites de Douala. Nous garderons le cap pour ce festival de chants que nous dédions à notre Créateur. Tout-Puissant, dont l’ambassadeur et fils unique est Jésus-Christ.
ACTU-INFOS : À titre personnel, si on vous demande de faire le bilan du Groupe Genestar Sa, en toute objectivité que diriez-vous ?
Genestar Priso : Oh là là, un sentiment un peu ambivalent. En toute honnêteté,
je suis fier de ce que j’ai réussi à accomplir au cours de ces vingt-cinq dernières années. J’ai eu la chance, jusqu’ici, de rester un self-made man ; je n’ai jamais eu à chercher un emploi de ma vie, c’est depuis les bancs de l’université que j’ai été inspiré pour ce business. Et je n’ai jamais obtenu un seul marché public. J’ai travaillé jusqu’à ce jour exclusivement avec des établissements privés.
Un peu d’amertume subsiste, car si j’avais évolué dans un pays qui croit en ses entrepreneurs, GENESTAR GROUP S.A. serait sûrement une entreprise africaine de haute référence, rivalisant avec d’autres mastodontes mondiaux, dont certains n’existaient même pas quand nous avons commencé. Mais c’est sous-estimer le complexe de nos dirigeants vis-à-vis des Occidentaux. Il nous appartient de réécrire notre histoire, en lui donnant une nouvelle orientation et en nous valorisant davantage.
ACTU-INFOS : Vos filiales sont disséminées dans plusieurs pays africains, quels sont les atouts des différents pays selon vous ?
Genestar Priso : Les atouts sur le plan économique et digital peuvent être mieux évoqués au niveau régional, en Afrique centrale et de l’Ouest, car les comparaisons entre pays ne seraient pas aisées. Par contre, on observe une certaine fluidité et progression dans la construction d’une communauté sous régionale ouest-africaine par rapport à la communauté d’Afrique centrale. Les agrégats économiques en témoignent en termes de développement. La différence fondamentale entre les pays de ces deux sous-régions réside dans la volonté des dirigeants à faire avancer la transformation digitale et numérique. Comme mentionné précédemment, trois facteurs fondamentaux sont essentiels pour réussir cette mutation technologique qui favorise le développement : l’énergie, le raccordement internet sur le territoire, et les équipements informatiques. Il est vrai qu’avec la nouvelle configuration de l’Afrique de l’Ouest et l’avènement de l’AES, des ajustements se feront ; mais à l’observation, on note plutôt une dynamique de progrès et une prise de conscience citoyenne plus forte.
ACTU-INFOS : Nous voyons de plus en plus des chefs d’entreprise s’intéresser à la vie politique de leur pays comme Elon Musk récemment aux USa, est-ce que la vie politique de votre pays, le Cameroun, vous préoccupe, et seriez-vous intéressé par une activité politique un jour ?
Genestar Priso : Je tiens à souligner qu’en dehors de ma fonction de chef d’entreprise, j’ai d’autres casquettes citoyennes qui ne sont pas éloignées de la politique. Je suis Président fondateur d’une ONG, ÉVEIL CAMEROUN-CI, créée en 2005. Je suis également membre fondateur de CPD (Cameroon Patriotic Diaspora), qui rassemble la diaspora camerounaise de plusieurs continents. Je suis le fondateur de la Chambre Camerounaise de Commerce et d’Industrie de Côte d’Ivoire, et plus récemment, Président fondateur du GEDCAM (Groupement des Entrepreneurs du Digital pour le Cameroun). À travers ces activités, il est aisé de comprendre que je m’intéresse au plus haut point à la vie économique, politique et sociale de mon pays. Par conséquent, il ne serait pas surprenant de me voir sur la scène politique au Cameroun (237). Mon expérience et ma position de recul pourraient sans doute être utiles.
ACTU-INFOS : Que pouvons-nous retenir comme mot de fin ?
Genestar Priso : En guise de conclusion, je souhaite insister sur la nécessité pour l’Afrique de prendre en main son destin. Le digital est notre voie royale vers le développement, l’autonomie et la prospérité. Il est temps que nos dirigeants aient une vision claire et audacieuse, qu’ils fassent confiance à leurs entrepreneurs et qu’ils investissent dans les infrastructures essentielles. Genestar Group est un acteur engagé de cette transformation, oeuvrant pour une Afrique solidaire, innovante et maîtresse de son avenir. Ensemble, nous pouvons construire le Cameroun de la nouvelle espérance et, par extension, une Afrique forte et rayonnante.
Propos recueillis par
BONA EKOBO Josué
Source: ACTU-INFOS- 4 Juillet 2025