De multiples sectes étendent leur influence sur la vie politique du pays, au grand dam de l’Église catholique.
Partout en Afrique, les forces de l’invisible participent au pouvoir. Mais nulle part autant qu’au Cameroun.

«Que ce soit dans l’administration, la haute fonction publique, la politique, l’Université, 95% des nominations se font en tenant compte de l’appartenance à une secte» , estime le professeur de sciences politiques Magellan Omballa. Lui-même s’est vu proposer l’entrée dans un ordre par un ministre dont il était le conseiller. «Il m’a dit: “Tu n’es pas des nôtres, il faut nous rejoindre”. J’ai refusé. Le ministre m’a alors déclaré clairement que ma promotion serait bloquée», raconte le professeur.

Goût pour la magie

Particularité locale, des sociétés secrètes originaires d’Europe occupent une place prépondérante. Parmi elles, l’«Ancien et mystique ordre de la Rose-Croix», cercle ésotérique «qui fait remonter ses origines traditionnelles aux écoles de Mystères de l’Ancienne Égypte» et se dit «dépositaire d’une connaissance ésotérique hors du commun», d’après le site français de ce mouvement international.

Les plus hautes autorités de l’État camerounais sont supposées y avoir appartenu ou en être toujours membres: ministres, généraux, directeurs de sociétés parapubliques… «La Rose-Croix a été très puissante au Cameroun, explique Magellan Omballa. Elle a ensuite connu une éclipse au profit de la franc-maçonnerie, mais dernièrement elle semble revenir en force.»

Le goût africain pour la magie et les secrets n’explique pas tout. «L’impossibilité de se fier à son mérite et à ses compétences pour avoir un poste de responsabilité, ou tout simplement pour “réussir” socialement, oblige à imaginer d’autres voies et logiques», écrit Fanny Pigeaud dans Au Cameroun de Paul Biya (éditions Karthala).

L’Église catholique s’en alarme. «Les prêtres reçoivent souvent des fidèles qui leur confient leur douleur de devoir entrer dans une secte pour obtenir un travail, dit le père Sébastien Mongo, porte-parole de l’archevêché. Certains demandent en fait à l’Église une sorte d’autorisation.» Mais celle-ci ne peut être accordée. «Nous sommes obligés de rappeler ce que dit l’Église», ajoute le père Sébastien. La puissance des sectes est souvent évoquée dans la réflexion théologique de l’Église camerounaise.

Mais elle a affaire à forte partie. «L’idée, pour beaucoup de gens c’est: «la Rose-croix protège, on peut devenir riche, avoir de l’influence», dit le prêtre.

Le politologue Mathias Owana Nguini approuve: «Dans l’élite, on est convaincu que l’on ne peut pas faire carrière sans cette béquille.» Démarche purement utilitaire? «Pas complètement, répond le professeur. Les cérémonies, le côté secret aussi, trouvent un terrain fertile au Cameroun. Elles rappellent aux Camerounais leurs propres sociétés initiatiques.»

La magie traditionnelle est présente dans la vie de tous les jours. La semaine dernière, au cours d’un déjeuner offert par le ministre de la Communication, un cadre camerounais, observateur du scrutin, explique tranquillement: «Chez nous, on utilise les morts. Des personnes décédées sont rappelées à la vie et deviennent l’esclave de quelqu’un.» Le ministre, originaire du Nord musulman, secoue la tête: «Moi, je ne crois pas à ces choses-là.» L’observateur s’insurge: «C’est prouvé! L’autre jour, j’ai vu la tombe d’un mort récent, et il n’y était plus.»

Ces pratiques, et d’autres plus sulfureuses, ont été dénoncées par l’archevêque de Yaoundé, Mgr Tonye Bakot, dans une homélie de 2005, rappelle Fanny Pigeaud: «beaucoup de hauts responsables se livrent au satanisme», a tonné en chaire le prélat.

Dans le même sermon, l’archevêque s’est emporté contre une habitude encore plus surprenante: «Pour un poste de travail, une entrée dans une grande école, on contraint nos jeunes à l’homosexualité.» Le problème a été mis sur la place publique en 2006, quand des journaux ont publié des «listes d’homosexuels» appartenant à l’élite, ­accusation grave dans un pays où ­l’homosexualité est criminalisée.

«Il s’agissait en fait d’une lutte pour le pouvoir, explique un observateur. Ceux qui ont dénoncé cherchaient à éliminer des concurrents.» Cette pratique n’a rien à voir avec une sexualité consentie. «Il s’agit, dans le cadre d’un rituel, de soumettre ceux qui cherchent des postes, pour ensuite mieux les contrôler», ajoute cet observateur.

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Une image de Paul Biya vaut mille mots.

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