A PROPOS DE CEUX PARMI LES CAMEROUNAIS QUI SONT MECONTENTS DE NOS HOMMAGES A GEORGE FLOYD

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Je lis ici et là quelques tribunes se voulant objectives et à contre-courant des lamentations multiples et ruisselantes des nombreux anonymes qui, pris d’un élan humaniste entonnent en chœur le cri lancinant de l’égalité raciale, de l’hymne à l’équité de traitement pour tous les hommes et la rengaine irrépressible du chant contre l’ensauvagement de l’espèce.

Ces personnes bien pensantes camerounocentriques pour l’essentiel, qui s’étonnent de nous voir condamner le martyre de Georges Floyd que nous ne connaissions pas et dont nous n’avons de cesse de condamner l’abominable, inique et criminelle fin, voudraient que l’on pleurât tout autant les morts du Cameroun, d’Emana et de Ngarbuh. Comme si cela n’a pas été fait en son temps, comme s’il fallait toujours se livrer à une concurrence mémorielle, comme si à chaque fois que nous nous offusquions d’une injustice à l’étranger, nous devrions quasi systématiquement nous retourner sur les drames du Cameroun de peur qu’on ne nous accusât de partialité dans l’échelle des compassions.

J’aimerais simplement rappeler à ces bienpensants solidaires des malheurs du Cameroun que toutes les humanités se valent, celle de George Floyd autant que celles du Cameroun injustement prises sous le joug assassin et criminel des satrapes et autres criminels à la petite semaine qui les perpètrent.

A ces amoureux du Cameroun, patriotes ombilicaux à la mie de pain, j’aimerais faire savoir que le martyre de George Floyd n’est pas juste le meurtre d’un américain de plus, mais la sadique exécution d’un être humain qui par la seule faute d’être noir, s’est vu amputer du droit de vivre.

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George Floyd symbolise tous les Noirs qui à travers le temps et l’espace sont morts pour ce qu’ils représentaient, à savoir le seul tort d’être mélanoderme et que cette image véhiculée à travers le temps (depuis quelques siècles) nonobstant leurs actes propres, cette image dépréciée disais-je, suffit seule à condamner au pilori de l’opprobre humaine et de la justice blanche, faisant fi de leur appartenance à l’épure humaine. Comme si longtemps après la fin de l’esclavage déshumanisant pour les nègres et la colonisation qui s’en suivit, rien dans le fonds n’avait réellement changé, ni la côte d’intelligence des auteurs de ces actes, ni la représentation sibylline de telle humanité différente par la couleur chez leurs descendants ; En somme, comme une espèce de perpétuation tacite et captieuse d’un préjugé de couleur héréditaire, donc intemporel de fait et culturellement indélébile.

La symbolique suffit à selle seule pour interpeller les consciences, en s’affranchissant de la nationalité, de l’origine ou de la tribu de l’homme. George Floyd représente tous ceux qui sont nés noirs par le hasard de la vie et l’alchimie céleste de l’existence pour faire conscience perverse avec l’altérité de l’autre en ayant fait une cible potentielle.

Que l’on s’affranchisse dès lors du lieu où il a trouvé la mort et des querelles stupides et sclérosantes sur les origines et les localisations géographiques pour ne s’intéresser qu’au principe de la vie et de la coexistence des mémoires dans un monde multiracial, multiculturel et cosmopolite où les altérités se conjugueront pour donner sens au vivre ensemble.

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Mais, pour les compatriotes camerounais qui ne peuvent s’empêcher de comparaisons futiles, n’en avez-vous pas marre de toujours vouloir susciter la comparaison avec vos malheurs ? Vous qui êtes toujours prompts à vouloir tout ramener à l’aune de votre réalité, quel est donc ce besoin impérieux de toujours vouloir attirer les feux des projecteurs sur vous dès que l’on s’intéresse à autre que vous ? Je l’ai dit plus haut : toutes les humanités se valent et nous ne sommes donc pas dans un jeu à somme nulle comme dans le dilemme du prisonnier de Tucker. S’indigner de l’injustice dont a été victime un homme noir aux USA ne dispense personne de condamner le massacre de Ngarbuh, l’exécution de l’enfant sur le dos de sa mère dans le Nord du Cameroun (pour qui j’ai composé une chanson) ou le massacre de Muyuka le 20 mai 2019 au cours duquel le crâne d’un enfant explosa : ce sont des actes d’humanité et des indignations légitimes. Partout où règne l’injustice, les consciences avisées ont l’impératif moral de condamner l’inacceptable. Il s’agit d’éthique donc de responsabilité, il est question d’humanisme. Qu’on se le dise une fois pour toutes !

Prof. Henri Georges Minyem

Professeur de grandes écoles d’ingénieurs

Enseignant à l’Université de Paris 7-Diderot

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