Budget 2021 du Cameroun : le chemin de croix

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La communication gouvernementale, d’habitude prolifique dans les modes propagande et réaction, n’a jamais aussi peu alimenté les chaumières que ces derniers temps. Pourtant entre la crise du NOSO, la pandémie du covid-19, la CAN Total 2022, les grandes réalisations, les grandes opportunités, les déguerpissements manu-militari inexpliqués des populations par ci par là, et l’économie, surtout l’économie en termes de performances, les sujets méritant de temps en temps quelque sortie du porte-parole du Gouvernement ou une communication officielle, ne manquent pas. Même si certains ont trouvé l’occasion de célébrer le Chef de l’Etat pendant son séjour privé en Europe, les autres membres du Gouvernement sont pour la plupart, occupés depuis un certain temps, à consulter pour la trouvaille de la potion ou de la formule salvatrice face à la menace d’infarctus, d’apoplexie ou encore de crises de nerfs ou d’urticaire que l’avènement du ‘’covid-gate’’ a introduit subitement dans leur vécu quotidien. Ceci expliquant cela, une aphonie certainement accompagnée d’inertie, s’est installée pour créer un déficit d’information qui donne une forte impression d’une navigation à vue. De même leurs affidés payés pour publier dans les réseaux sociaux, n’arrivent pas à se dépêtrer de leur habituelle rengaine aux relents de tribalisme et de prosélytisme, pour essayer un tant soit peu, de revenir dans le monde réel. Un monde où avec ses vagues successives, son variant delta, et un vaccin encore loin d’être la panacée, le covid-19 n’a pas fini de faire des misères. Un monde menacé par ce qui pourrait devenir la pire des récessions économiques à jamais connue

Le budget de 2021 à titre de rappel, a été arrêté en recettes et dépenses à 4 865 milliards de FCFA. Dans le discours  et la loi, (cf.art.25(3) de la loi no 2019/024 du 24/12/ 2019 portant Code Général des Collectivités Territoriales Décentralisées), 15% au moins de ce montant, soient quelques 730 milliards au bas mot, auraient dû être alloués aux collectivités locales pour amorcer un essai d’une économie décentralisée. Qu’en est-il à mi-parcours et dans les faits ? Black-out. Dans les prévisions un déficit de 1 500 milliards devait être comblé par des emprunts, qu’en est-il à mi-parcours ? Black-out. Au moment où les opérateurs économiques aussi bien des secteurs de l’industrie, du commerce  des services que de l’agropastoral ressentent de plein fouet les conséquences de la pandémie covid-19, il va de soi que les prévisions des autres recettes budgétaires – près de 3 500 milliards –  sont à revoir à la baisse. Quels sont donc les correctifs qui ont été pensés à mi-parcours? Quelles sont les nouveaux objectifs ? Y va-t-il des perspectives ?  Pendant  qu’un recadrage réfléchi du corpus ressources-emplois s’imposait, on a observé des actes isolés – frais de visas ou de passeport revus à la hausse – comme solution de recettes supplémentaires, alors que sous d’autres cieux ce recadrage a fait planer une vraie menace de « shotdown », tellement les réajustements étaient profonds. Si les recettes connaissent forcément une cure d’amaigrissement, les dépenses quant à elles provoquent par leur rareté et leur encadrement, des faillites et des dérives  cauchemardesques. Dans le discours, les dépenses devaient en priorité être sécuritaires ou liées au service de la dette antérieurement contractée, dont il est d’ailleurs établi par les agences d’informations financières que plus de la moitié avait été détournée en son temps vers des paradis fiscaux. Dans les faits, l’incapacité de remboursement intégral de 650 milliards d’euros bonds à terme, a conduit à contracter en catastrophe un nouvel emprunt pour combler un gap de 450 milliards, avec toutes les conséquences y relatives. Une insolvabilité qui en plus de dévoiler le manque de prospective dans certains montages financiers,  vient plomber les prévisions budgétaires de 2021. En effet un besoin antérieur de 450 milliards resté constant – d’où l’impayé -, est sur le plan comptable reporté subrepticement à l’exercice 2021, ce qui mathématiquement augmente 900 milliards sur le déficit prévisionnel de 1 500 milliards ! En d’autres termes on a emprunté entre autres,  450 milliards  en 2021 sans rien encaisser en contrepartie, et le besoin de 650 milliards d’euros bonds comblé à hauteur de 200 milliards, refait surface pour 450 milliards

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 Qu’à cela ne tienne – Kasselah né Etienne- à  l’instar d’un étudiant au niveau douteux qui prépare les rattrapages avant d’avoir composé la session normale de l’examen, programmation oblige dira-t-on, on se penche déjà sur le budget de 2022. Deux cas de figure sont ici envisageables. D’abord une hypothèse réaliste qui consisterait à ramener le budget à 4 500 milliards par exemple, avec un déficit opérationnel de relance économique de 2 500 milliards, afin de soulager les ménages et les entrepreneurs locaux actuellement mal en point. La seconde hypothèse relève quant à elle de l’onirique et  du saupoudrage,  même si elle est celle qui en fin de comptes  sera adoptée par respect d’un certain modus operandi. Elle  consistera, à présenter sans tirer les leçons du précédent, un budget de l’ordre de 5 500 milliards, avec un déficit mécanique de 2 500 milliards. Les entreprises et les ménages asphyxiés, ne pourraient être d’aucune utilité dans la collecte de recettes budgétaires. Les dettes intérieures ou extérieures ne pourraient être payées. Plusieurs autres  engagements de l’Etat ne seraient pas honorés, à moins – et quoi d’autre ? – de s’endetter de nouveau, sans la moindre perspective…l’enfer ne serait plus vraiment loin !

Une disposition constitutionnelle, permet pourtant aux Membres du Parlement de poser au Gouvernement toutes ces questions actuellement sans réponses. Mais l’illustration par le court métrage avec pour acteurs une députée et un policier, nous rappelle à profusion les rapports entre les pouvoirs Exécutif et Législatif ! L’un considérant l’autre tout juste comme une caisse de résonance à son service, et non au service du peuple et de la Nation. Tandis que l’autre se contente de meubler et d’amuser la galerie  tout en couvant ses avantages matériels et en évitant autant que possible à l’occasion, de poser les questions utiles de l’heure.

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Entretemps, devant ce motus et bouche cousue gouvernemental, les populations et agents économiques faute d’informations officielles suffisantes, s’abreuvent à la rumeur…et que n’entend-on pas ?

Entretemps, jamais le ratio un salaire pour trente bouches n’a été ressenti dans les familles avec autant d’acuité. Des salaires qui s’avèrent être  le véritable moteur de la résilience de l’économie réelle, l’économie de la débrouillardise…Au moins tant qu’ils sont payés, les activités de subsistance survivent. A partir de dix jours avant leur arrivée, les salaires ravissent un brin, la vedette au Messie. Dans cette attente éprouvante voire lancinante, il n’y a ni tribu ni chapelle politique ! Patrons et larbins, agents et directeurs, troufions et officiers, sont tous logés à la même enseigne. Les pensionnés sans surprise n’en mènent pas large non plus. Et quand ils sont en fin là, c’est la ruée ! Tels des naufragés vers un canot de sauvetage, les uns et les autres s’y précipitent sans retenue ni protocole. Pendant quelques jours, l’économie réelle, celle qui n’a que la survie pour principe et règle, celle des petits commerces et métiers, celle des charges ménagères et familiales, celle des fêtes et des funérailles, retrouve quelques couleurs grâce à cette bouffée d’oxygène et sort un peu de sa morosité latente, et puis… le cycle recommence ! Dire ici que les temps sont durs, ne serait que pur euphémisme. Et  Dieu seul sait ce qui pourrait arriver si le payement desdits  salaires était retardé ne serait-ce que de deux semaines !

Quelqu’un a parlé de confinement pour cette multitude qui survit du jour au jour dans l’informel et loin des préoccupations de l’Etat ? Au pays de ‘’magic’’ Mboma, le choix est simple et vite fait : même après dix vagues de covid-19, on vivra avec le coronavirus. Puisque le confinement mènerait vers une mort certaine par la misère et la famine, alors que le covid-19, Mgr Kleda Samuel le traite, le ‘’fipangrass’’ et plein d’autres décoctions de la pharmacopée locale ont la prétention de le neutraliser. Pour s’en convaincre il n’y a qu’à voir avec quelle facilité et désinvolture, la distanciation sociale ou autres mesures barrières sont foulées au pied par ci par là, dans une ambiance bon enfant

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Entretemps, dans les Conseils Régionaux, censés asseoir la vision égocentrique de la décentralisation voulue par le pouvoir central, on se tourne les pouces et on ronge son frein en attendant comme dans des Sociétés d’Etat, la perfusion venant du budget central ! Afin de créer de nouvelles conditions de mangeoire et de prévarication. C’est à croire que la rubrique recettes de leur budget se limite à un seul chapitre : subvention de l’Etat central ! Tel que c’est parti, l’attente pourrait être encore longue et la décentralisation devenir… une simple vue de l’esprit !

Le budget de 2021 de par certaines incohérences structurelles et son manque de prospective, apparaissait déjà d’emblée comme un pantin désarticulé, un document monté plus par devoir que pour son utilité. C’est pourquoi l’équation ‘’ quelles recettes pour quelles dépenses’’, à mi-parcours  prend déjà  l’allure de la quadrature du cercle, et lui fait emprunter un véritable chemin de croix pour sa réalisation. Vivement donc que pour 2022, le réalisme et la cohérence l’emportent sur la duplicité ou le faire valoir

Par : Jean Jacques E. Nsiah        Assureur-Economiste

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