Compte rendu d’audience: une justice désormais aux ordres de la “Haute hiérarchie”

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Compte rendu d’audience.

(Le présent compte rendu d’audience est le fruit d’une question posée à un avocat du collectif assurant la défense du MRC dans l’affaire MRC contre NINAT dont deux audiences se sont tenues ce mercredi 17 avril 2019 au Tribunal de Grande Instance (TGI) du Mfoundi à Yaoundé)

Question – Maître que peut-on retenir de cette audience qui s’est déroulée en chambre de conseil et donc loin des yeux du grand public ?

Réponse de l’avocat membre du collectif assurant la défense du MRC – Le MRC a sollicité l’annulation du communiqué du MINAT interdisant les manifestations et réunions publiques du MRC des 06 et 13 Avril 2019. Le MRC excipe trois arguments imparables: incompétence, vice de forme et violation de la loi.
S’agissant de l’incompétence, la loi numéro 055/90 du 19 décembre 1990 donne compétence seulement aux sous-préfets et chefs de district pour interdire des marches déclarées. Le district n’existant plus, seul le sous-préfet est compétent pour interdire une manifestation publique déclarée.
Relativement au vice de forme, la loi numéro 055/90 en son article 8 dispose que le sous-préfet interdit la manifestation par un arrêté. À l’évidence, le communiqué du MINAT n’est pas un arrêté et il n’a été notifié à personne [comme l’exige au préalable cette même loi].
Enfin, la violation est patente. La loi sus citée dispose que si la manifestation est susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public, le sous-préfet peut changer d’itinéraire, indiquer un autre lieu ou enfin interdire. En l’espèce, le MINAT n’a pas motivé, il n’a pas indiqué en quoi les manifestations du MRC pouvaient non seulement troubler l’ordre public, mais le troubler gravement.
En fait, il s’est agi d’un règlement de compte politique, sans fondement juridique. Le ministre ayant menacé le MRC qu’il pouvait se trouver ‘’au village de si je savais’’.
Le représentant du MINAT a, au principal, conclu à l’irrecevabilité de la requête du MRC et subsidiairement a soutenu que la requête est sans objet parce que la date des manifestations est aujourd’hui passée.

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L’argument du défaut d’objet est repris à son compte par le Ministère public.


Le MRC par la voix de ses conseils marque sa surprise. Comment le MINAT peut soutenir que la requête doit être déclarée irrecevable parce que l’acte attaqué n’est pas joint à la requête, alors que la pièce numéro 1 du bordereau de pièces est le communiqué attaqué ? Le MINAT est manifestement de mauvaise foi. Cet argument est donc spécieux.


Relativement à l’argument du MINAT selon lequel la requête du MRC serait irrecevable pour défaut d’intérêt parce que les manifestations interdites par le MINAT ne peuvent plus se tenir quand bien même l’interdiction serait levée par le juge, le MRC le bât en brèche en rappelant que l’intérêt à agir s’apprécie au moment du dépôt de la requête et non au moment où la décision est rendue. La jurisprudence est constante dessus.


S’agissant de l’argument du ministère public et du MINAT, selon lequel la demande est désormais sans objet maintenant que nous sommes le 17 Avril alors que les manifestations devaient avoir lieu le 13 Avril 2019 et que toute action contre un acte qui n’est plus en vigueur est désormais sans objet, le MRC estime que sa demande garde tout son objet parce que le MRC a tout juste reporté ses manifestations en attendant que le juge se prononce sur la légalité de l’acte illégal ayant empêché qu’elles se tiennent à la date prévue dans la déclaration. Dès lors que l’acte d’interdiction est déclaré nul, le MRC peut choisir une nouvelle date de manifestation ou même le juge peut fixer cette nouvelle date.
Les avocats du MRC ont attiré l’attention du Président du TGI sur le fait qu’en suivant l’argumentaire du Ministère public et du MINAT, nous risquons de nous trouver dans un cercle vicieux.

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Le MRC déclare des manifestations, l’administration les interdit, le MRC saisit le juge compétent dans les délais, c’est à dire avant la manifestation, celui-ci décide de se prononcer après la manifestation pour dire que la demande est désormais sans objet.


Le Président du TGI du Mfoundi va malgré tout, dans une décision rendue quatre heures après les débats décider que la requête du MRC est sans objet. Un véritable déni de justice. Une juridiction saisie avant la date des manifestations, choisit de statuer après la date prévue pour les manifestations pour déclarer que la demande d’annulation de l’acte d’interdiction est désormais sans objet.


N’est ce pas le meilleur moyen de convaincre le justiciable que le recours à une justice aux ordres est désormais sans objet ?

Propos recueillis par Biboun Nissack

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