Le Pr Maurice Kamto rend hommage au bâtonnier YONDO MANDENGUE BLACK qui fut un trésor d’espérance et qui a toujours refusé l’injustice et la souffrance des plus pauvres
TEMOIGNAGE DE M. MAURICE KAMTO AUX OBSEQUES DE FEU BÂTONNIER YONDO Black MANDENGUE REMIS A LA FAMILLE DU DEFUNT.
13 décembre 2025
C’est pour moi un privilège de prendre la parole en cette circonstance, où nous sommes rassemblés pour dire à-Dieu au Bâtonnier YONDO Black MANDENGUE. On ressent nécessairement la pointe de douleur qui tenaille l’Homme au départ de tout être cher. Mais elle ne saurait altérer la ferveur de notre reconnaissance à Dieu pour la grâce de la longue vie qu’il lui a accordée.
Je remercie sa famille de m’avoir gratifié de ce privilège de la parole en un moment aussi solennel. Je remercie le destin qui sait construire les chenins là où cela nous paraît impossible. Qui eût pu croire, il y a moins d’une décennie, que je me tiendrais là, cher Bâtonnier YONDO, à m’épancher sur le trésor d’espérance que notre rencontre a fait naître, et que je refuse que tu emportes au tombeau ?

On s’est sans doute connu et observé à distance, avant de nous rencontrer. Je t’ai rendu visite à ton domicile pour la première fois en 2013 je crois, au début de mon aventure dans le panier à crabes de la politique camerounaise. Puis je suis revenu en 2018. Et, Marie-France, ton admirable épouse de regrettée mémoire, et toi m’avez honoré d’un accueil chaleureux, détendu, blagueur, du genre qu’on réserve à un vieil ami de la famille.
S’en est suivi une manière de complicité intellectuelle voire idéologique, sur une vision partagée de la gestion de la Cité et de l’avenir de notre pays. Ce genre de relations, physiquement distantes mais intellectuellement intenses, ne sont pas tapageuses, déclamatoires. Elles se nourrissent du nectar de l’esprit de ceux qui ont compris que tout ne relève pas de l’ordre humain, et savent voir l’étincelle de lumière annonçant le beau temps au fond d’un ciel bâché.
Tu as été un défenseur talentueux et ardent de la parole libre et constructive dans ton pays, porteur d’un humanisme transcendant. Et un Avocat en serait-il encore un si par couardise, vénalité ou indifférence il festoyait sur la tombe des libertés fondamentales de la personne humaine ? Tu étais un Avocat de la plus pure des traditions, portant le verbe haut et une révolte contenue, mais l’indignation irrépressible face à l’injustice. Parce que tu savais que la justice est faite pour protéger les citoyens non pour les anéantir. Tu savais qu’elle prend racine dans le respect de la personne humaine, sans distinction, guidée par le souci de la juste mesure sous la bannière de la vérité. C’est pourquoi l’avocature t’allait comme un costume taillé sur mesure.
On me demande parfois ce qui me maintient debout. Tu me donnes l’occasion de le dévoiler, ici et maintenant : c’est, d’une part, l’injustice et la souffrance des plus pauvres, dont la détresse résonne en moi quoi que je fasse ; et, d’autre part, l’éclat de rares étoiles, comme toi, échappées de la Voie lactée, qui clignent dans le ciel opaque de notre société engluée dans une nuit qui conspire à notre perte. Ces étoiles-là donnent force à l’espérance de ceux qui croient qu’aucune créature humaine ne mérite le mépris, que tout être humain a droit à la dignité, qu’aucune communauté humaine n’est condamnée à la souffrance sans fin, et que vient toujours un temps d’émancipation pour ceux qui sont réduits aux tremblements et à l’agenouillement.
Il nous faudra des YONDO Black MANDENGUE pour bâtir ou reconstruire tous ces ponts qui manquent entre les Camerounais, et dont notre Nation a un si grand besoin aujourd’hui.
Tout au long de ma vie publique je n’ai cessé de prêcher la fraternité républicaine entre Camerounais ; je ne parle pas de cette fraternité qui naît du lien de sang, mais de cette forme de fraternité que nous produisons ensemble et faisons couler dans les veines de la citoyenneté, filles et fils d’une même Nation maternelle, pétris par un idéal commun qui enjambe tribus et ethnies. En toi, cher Me YONDO Black, j’en ai trouvé une incarnation.
Nous ne survivrons pas en tant que Nation sans cette fraternité-là. Notre Nation-mère, qui s’appelle Cameroun, ne survivra pas sans tous ses enfants, si ceux-ci restent divisés, dispersés, engagés dans la destruction mutuelle par l’énergie mortifère de la haine. Nous devons reconnaître indiscutablement que chaque Camerounais vient de quelle part, et en même temps nous dire que c’est ensemble que nous devons avancer vers l’avenir.
Tu as aimé ce pays dont les malheurs t’ont transpercé, comme ils nous déchirent. Reste chevillée à mon âme notre conviction partagée que la renaissance du Cameroun n’est pas une espérance stérile. Et puisque tu as cru au salut de l’Homme racheté, que ta foi rayonnante aplanisse ton chemin et adoucisse ton repos.
Merci, cher aîné, dont je m’honore de l’amitié, pour le bout de chemin parcouru ensemble.
Maurice Kamto