Décret présidentiel 2018/719 du 30 novembre 2018: ENCORE UN MORT-NÉ !!!
Le Comité National de Désarmement, de Démobilisation et de Réintégration des ex-combattants du Boko Haram et des groupes armés des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest créé par Paul Biya n’est qu’une diversion de trop.
Alors que l’humiliation du Cameroun était sur toutes les lèvres hier, Paul Biya a comme d’habitude jeté un autre pavé dans la marre. Une véritable hérésie. Comme toujours la charrue a été mise avant les bœufs. Évident de voir en cette fuite en avant les germes d’un échec. Voici pourquoi.
Dans le contexte du DDR, les programmes de désarmement et de
démobilisation font souvent suite à un conflit armé et interviennent
subséquemment dans l’urgence (période postérieure à la signature d’accords de paix, impératif humanitaire…) alors que l’activité de réintégration est un processus généralement plus long qui requiert bien souvent la contribution de plusieurs acteurs (politiques, humanitaires…) agissant de concert pour une paix et un développement durables.
Les activités de DDR sont devenues des caractéristiques essentielles des nouvelles opérations de maintien de la paix. Le groupe d’observateurs de l’ONU en Amérique Centrale (ONUCA), déployé en 1989, a été la première opération de maintien de la paix des Nations Unies à se charger précisément d’activités de désarmement et de démobilisation.
En Afrique, la démobilisation des forces ennemies de près de 10.000 combattants en Namibie en 1989 (supervisée dans le contexte onusien par le Groupe d’assistance des Nations Unies pour la période de transition en Namibie, GANUPT) a été innovatrice d’un vaste mouvement d’opérations onusiennes dans le domaine du DDR. Depuis lors, plus d’une quinzaine d’opérations onusiennes se sont chargées de mener d’importantes responsabilités dans ce domaine.
C’est le cas des opérations de paix menées au Cambodge, en Namibie, en Angola, au Mozambique, au Guatemala, en Slavonie orientale, au Libéria, en Sierra Léone et en République Démocratique du Congo (RDC).
La dimension « désarmement » des programmes de DDR s’établit d’abord avec la prise des armes (de petit calibre, légères ou lourdes) des groupes ou des individus impliqués dans un conflit. Elle suggère le rassemblement et le cantonnement des combattants dans différents sites où les armes sont collectées et les combattants démobilisés. Dans ces sites, on effectue des programmes spécifiques en matière de gestion des armes (inspection, collecte, stockage en lieu sûr, destruction totale des stocks d’armes, processus de déminage des armes…).
L’élément « démobilisation » dans le cadre du maintien de la paix
s’établit ensuite lors de la réduction ou la destitution in extenso des
forces armées des différentes parties impliquées à la suite d’accords de paix, d’un désarmement, national. Elle consiste habituellement à
enregistrer les ex-combattants, à leur fournir une assistance sous une forme ou une autre, afin de leur permettre de répondre à leurs besoins immédiats.
La démobilisation suggère la planification, le regroupement dans des
camps, l’enregistrement, le désarmement, l’orientation avant la réforme pour permettre le retour définitif à la vie civile des ex-combattants.
Il est important de noter que le contexte politique qui précède la
démobilisation comme dans le cadre de la crise anglophone aura une
incidence sur la chronologie des évènements et sur la pertinence de
chacune des étapes prise séparément.
La « réintégration ou réinsertion » constitue enfin le troisième élément du programme de DDR. Elle implique plusieurs aspects aux niveaux social, politique et économique. Elle consiste en des mesures d’assistance (aide financière directe, compensations en nature, programmes de formation professionnelle…) destinées aux anciens combattants ainsi qu’à leurs familles et vise à favoriser leurs possibilités de réinsertion économique, sociale… Il s’agit d’un processus qui se déroule à plus long terme sur trois niveaux : national, régional et local. La réintégration doit permettre la formulation d’une politique nationale, le soutien à la mise
en œuvre régionale, le soutien d’urgence à l’échelle locale, le transport vers les régions retenues pour la réinstallation, le versement des primes de retour à la vie civile, les primes d’installation, les projets de reconstruction et la formation professionnelle.
CONDITIONS DE RÉUSSITE
Selon l’ONU, la réussite d’un programme de DDR présuppose qu’il soit enchâssé dans les accords de paix. Or, Paul Biya a toujours refusé de négocier avec ses frères et prétend les réduire au silence par la force.
Il faut qu’on définisse un calendrier précis du processus, qu’on préconise les méthodes à suivre pour l’élimination des armes et munitions, qu’on fixe les modalités de restructuration des forces de défense et de sécurité et qu’on désigne les institutions à qui incomberont la coordination et la supervision des activités de DDR comme mentionne le décret présidentiel.
De fait, celles-ci doivent être planifiées pour constituer le continuum
naturel de tout processus de paix.
Pour favoriser les mesures de confiance, le désarmement requiert également la présence d’une autorité légitime qui procure des garanties de sécurité pour les individus anglophones désarmés, démobilisés et devant être réintégrés dans leurs communautés.
L’absence de ces modalités ne peut que mener à des situations de désarmement ou de démobilisation partielle pouvant susciter une remobilisation des forces et un retour de la violence. Les opérations de désarmement et de démobilisation ne peuvent s’accomplir qu’avec une grande stabilité (sécurité nationale).
De plus, le contexte politique dans lequel agit le DDR doit avoir pour
préalable incontournable une cessation complète des hostilités et une volonté politique manifeste de la part des parties concernées de s’engager dans un processus au long cours (contenu dans les clauses des accords de paix). Cette volonté des différents acteurs politiques impliqués reste nécessaire pour la bonne conduite d’une opération de DDR. L’absence de volonté politique du régime de Yaoundé va certainement imprimer une limite au programme de DDR ainsi rêvé par Paul Biya.
Le Cameroun regorge l’un des meilleurs spécialistes en DDR. Mais, tout porte à croire qu’il n’a pas été consulté avant la publication du décret présidentiel.
*Jean Claude FOGNO*