Pr. Henri Georges Minyem : ENSEMBLE, DISONS NON AUX EXECUTIONS SOMMAIRES DANS LE NO/SO DU CAMEROUN !

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Cette nuit, je ne trouve pas le sommeil. Voilà 2h que je suis éveillé car son image me hante, son visage m’observe, m’interpelle, me supplie d’écrire ; cette vie emportée m’implore de dire au monde qu’elle n’est pas morte pour rien. Elle me supplie de dire aux hommes que la noblesse d’une cause se mesure aussi à la grandeur des hommes qui combattent pour elle. Ce regard souriant a disparu sous les nuages de poussière d’un tourbillon de haine que je décide de condamner avec virulence. Florence ne sera pas morte pour rien.

Voilà près de 3 ans que la guerre bat son plein dans les régions anglophones du Cameroun avec son cortège de malheurs, de pleurs incoercibles, de plaies béantes, de morts macabres, de déréliction et de désolation au sein des populations. Chaque jour draine son lot de désolation et d’abominations au sein du vulgum pecus qui constitue l’essentiel des laissés-pour-compte de la régence républicaine.

Les horreurs qui se déroulent au NO et au SO du Cameroun n’ont plus rien à voir avec les revendications légitimes ou non des précurseurs des luttes séparatistes. Il s’agit d’actes d’une barbarie sans nom qui rappellent autant que de besoin les guerres fratricides qui se sont déroulées au XXe siècle du côté du Libéria avec en point d’orgue l’exécution filmée du martyre de Samuel Do le 09 septembre 1990, découpé en morceaux, éviscéré et exsanguiné devant caméra par ses bourreaux. S’il est vrai qu’il avait lui-même commis des crimes de sang, l’on peut comprendre sans le justifier le degré d’insensibilité de son tortionnaire Prince Johnson qui se faisait éventer pendant les supplications de sa victime captive, torturée à mort.

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Au Cameroun l’on vient encore d’atteindre des sommets dans cette guerre absurde avec la mutilation de la fonctionnaire Florence Ayafor. Volontairement, je n’ai pas voulu regarder la vidéo inqualifiable de son agonie. Le martyre, le calvaire, l’humiliation et le crime sordide d’une fonctionnaire de la république, qui n’est pas un soldat, est une abomination à la face du monde et une insulte à la dignité des hommes. Il s’agit ni plus ni moins que de comportements bestiaux spécifiques à une seule espèce animale au monde : l’être humain. L’écrivain Mark Twain rappelait à dessein que « l’homme est le plus cruel de tous les animaux. C’est le seul qui puisse infliger une douleur pour le plaisir. » Aucune guerre de libération ou d’affirmation ne justifie la décapitation d’une personne innocente, unilatéralement considérée comme coupable aux yeux de ses tortionnaires d’avoir exercé son métier de fonctionnaire d’un Etat belligérant.

Quand des kamikazes au nom d’une idéologie antagoniste commettent des attentats dans des actions de représailles contre les citoyens des pays qui les combattent, le monde entier est horrifié par les images insupportables du martyre des innocents. Le but recherché par ces barbares d’une autre espèce est de provoquer la terreur dans l’esprit des populations qui en sont victimes, avec en filigrane le besoin d’un retournement de l’opinion publique contre les auteurs politiques de leurs propres souffrances. Simplement, l’histoire nous a démontré l’inefficacité de ces pratiques qui n’ont pour effet que d’assouvir la soif de sang des auteurs dont les motivations pour la plupart commencent à échapper à leurs auteurs. La vue du sang, de la souffrance infligée alimente la nature primale et des instincts naturels de domination et de prédation en même temps qu’elle devient le principal combustible d’un projectile fou appelé la haine de l’autre.

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Au cours de l’histoire récente de l’humanité et plus précisément au XXe siècle, des abominations furent commises, des crimes sordides aussi, mais une telle violence dans l’ignominie ne peut être atteinte par un esprit sain, à moins d’avoir troqué sa capacité de réflexion par une vengeance primesautière qui justifierait les cimes de la cruauté humaine et de la décérébration de l’homme.

Non, qu’on se le dise ! L’être humain se distingue de l’animal par sa capacité à se projeter et son aptitude à la conscience. Quand il s’en dénue, il devient une bête féroce que la société se doit d’abattre, de peur de laisser se propager la vermine dans le corps social. Selon que l’on épouse la philosophie de Hobbes ou de Rousseau, la société peut être nocive à notre grégarisme ou catalyseur de notre dyalise sociétale commune. De fait, nos actes portent en substance la volonté de faire corps, fût-ce entre personnes de même condition ou d’engeance équivalente. Comment peut-on dès lors prendre plaisir à détruire l’humanité de l’autre par son anéantissement physique, psychique en le dépouillant au préalable de ce substrat d’humanité qui en fait un être social, une personne ?

Aucune guerre, je le répète, aucune guerre ne justifie les tortures et humiliations de personnes innocentes !!!

Les conventions de Genève de 1865,1929, 1949, 1951 et les protocoles additionnels de 1977 et 2005, le pacte civil de 1966 sur les droits sociaux et politiques ont tous été érigés après des violentes guerres notamment la guerre de sécession américaine du XIXe et surtout les horreurs du XXe siècle (siècle de la barbarie) qui ont exhumé la nature criminelle des hommes. L’humanité a voulu préserver la dignité des hommes y compris dans des contextes de bellicosité extrême.

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Au Cameroun, nous avons fait un recul historique durant les guerres d’indépendance avec l’exposition des têtes sur des piques dont le but était d’horrifier les populations. Mais les cimes de l’horreur se laissent admirer à la faveur de la vitesse cybernétique des technologies de l’information qui exposent à notre curiosité malsaine la violence crue des exactions commises sur des humains comme nous.

Les exécutions sommaires précédées d’humiliations et autres exhibitions déshumanisantes des victimes, telles que des tortures et sévices méphistophéliques relèvent d’une logique de la terreur ou plutôt d’une rationalité apagogique, alimentés par un jusqu’auboutisme de l’absurde et une psychorigidité mentale comme seuls catalyseurs d’action politique. « Le paradis des fous est l’enfer des sages » disait Thomas Fuller, car qu’on se le dise : aucun vivre-ensemble ne se construira sur la base d’actes de terreur, seuls en seront assouvis les bas instincts de spadassins et autres petits seigneurs de la guerre en mal d’adrénaline.

Le retour en arrière n’est plus possible pour certains mais pour tous ceux qui ont encore une once d’humanité dans cette guerre, n’est-il pas temps de réveiller la libéralité qui en vous sommeille en lieu et place de cette cruelle addiction mortifère à l’hémoglobine ?

Prof. Henri Georges Minyem

Enseignant à l’université de Paris VII-Diderot

Président du parti politique LE CAMEROUN NOUVEAU (LCN)

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