Cameroun,Coronavirus et Stigmatisation: une famille “suspecte” du fait des agents du Minsante.

Cameroun, #Coronavirus et #Stigmatisation: une famille “suspecte” du fait des agents du Minsante.

C’est une compatriote, passablement éprouvée qui me saisit ce samedi. On se connait depuis des années. Mais on s’était un peu perdu de vue depuis que les trajectoires socio-professionnelles nous conduisent là ou ici. Sans jamais forcément que l’on soit là où on s’était promis d’atterir à l’âge adulte. Qu’importe!
En cette période du Covid-19, quand tu as les nouvelles d’une vieille connaissance perdue de vue, tu as rapidement envie de louer le ciel. Sauf que quand “Marie Ange” – c’est le nom d’emprunt que #AGA a choisi, pour assurer l’anonymat exigé par cette compatriote qui voudrait protéger sa famille et ses collègues de service, tous employés dans une filiale locale d’une multinationale française -, va me révéler l’objet de sa démarche, c’est le choc. “Alex, je lis tes publications aussi bien sur ton statut Whatsapp que sur ta page Facebook. Merci pour tout ce que tu fais pour alerter les Camerounais sur la dangerosité et la gravité de la maladie du #Coronavirus. Néanmoins vous journalistes, à fortiori le grand public ne savez pas ce qui se passe loin de vous et des cameras” lance-t-elle.
Un peu étonné d’une telle entrée, je lui demande si elle a été contaminée ou refoulée d’un hôpital comme j’entends de plus en plus. Et la pauvre de fondre quasiment en larmes. “Alex, peux-tu me croire si je te dis que vivant pourtant à Yaoundé où se trouve le Centre Pasteur, je me suis faite tester depuis le 18 avril 2020 par une équipe qui est venue à mon domicile avec tout ce que tu peux imaginer comme stigmatisation, du moins à la vue des voisins: véhicule estampillé ministère de la santé publique; pulvérisateurs; habillements médicaux inhabituels pour ma famille et mes voisins du moins en ce lieu; etc.” raconte “Marie Ange”
Et quel est le problème donc? “Le problème c’est qu’alors qu’aucun membre de l’équipe n’a accepté d’être identifiée malgré l’insistance de mon mari, ils m’ont fait le test de dépistage du Covid-19 et promis que j’aurais mes résultats dans 72 heures maximum. Soit le 21 avril au soir au plus tard. Nous sommes le 26 avril 2020, plus d’une semaine après, j’attends toujours mais rien!” déclare-t-elle, toute paniquée.
Confinée à la maison avec sa famille depuis d’ailleurs une quinzaine de jours, “Marie Ange” est en effet sans nouvelle de ses résultats ni même de l’équipe du Ministère de la santé non identifié lors de son dépistage. “Quel était donc le but de leur test à la hussarde s’il n’y a pas de résultat longtemps après le délai librement annoncé par eux?” s’interroge désormais “la suspecte” publiquement anonyme du Covid-19.


Elle tente une réponse, sous forme de nouvelle interrogation: “Est-ce une course aux chiffres de contaminés ou une volonté d’aider les malades et suspects de cette maladie?” s’interroge passablement énervée mais gravement traumatisée cette épouse et mère d’une famille importante (4 enfants).


Faut-il préciser qu’elle était partie du bureau le 27 mars 2020. Dix jours exactement après la première prise de parole du premier ministre et les fameuses 13 mesures gouvernementales.


Selon “Marie Ange”, ce bureau est le seul lieu où elle aurait été en contact avec un présumé malade. Et c’est ce malade, qui selon l’équipe du Minsante, aurait donné son nom comme suspect du Covid-19. Sans l’en informer! On pourrait dire positivement qu’elle a été tracée pour être située sur son état. On la dépiste donc 22 jours plus tard!


Plus d’une semaine après, elle ne sait toujours pas si elle est positive ni si elle est négative. Et rien ne lui dit qu’elle le saura bientôt ou jamais!


L’attente des résultats du test dont personne ne revient en effet vers elle, passé le délai de 3 jours initialement déclaré, pour lui dire quel est le problème, ni quelle est sa situation devient simplement STRESSANTE voire INSUPPORTABLE! Prolongation de la durée des analyses? Résultats disponibles mais décision des autorités sanitaires (gouvernement?) de ne pas les communiquer – même pas au concerné? -, histoire de ne pas fausser ou perturber les projections construites autour de la stratégie de communication sur cette terrible épidémie? Que se passe-t-il? J’ai essayé en vain de savoir auprès de quelques contacts au centre des opérations COVID-19 de Yaoundé, en vain.


Cette jeune dame ainsi que tout son entourage (époux, enfants) est dans un stress pas possible. Pis, son voisinage qui a assisté au débarquement chez elle de l’équipe du Minsante ne les approche plus. “Normal” pensent-ils. Ils sont regardés désormais comme “une famille suspecte”.
Voilà comment on construit, volontairement ou non, la stigmatisation là où la disponibilité en bon temps des résultats, quels qu’ils soient, aurait permis à cette “suspecte” [et sa famille?] de rassurer ce voisinage. Soit qu’elle est confinée et prend un traitement (cas positif) soit qu’elle est sans risque (cas négatif) et mène sa vie familiale et communautaire assez sereinement même de manière restreinte par temps de Covid-19.

Source: Alex Gustave Azebaze

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