Vincent-Sosthène FOUDA: Les appels au retour au fédéralisme marquent nos limites dans la connaissance de notre pays et de son peuple

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Les appels au retour au fédéralisme marquent nos limites dans la connaissance de notre pays et de son peuple par le Professeur Vincent-Sosthène FOUDA
Quand nous regardons notre pays, sommes nous donc une Nation ? Qu’avons-nous fait des principes de solidarité ? Qu’avons nous fait des sentiments de sacrifice  que l’on attend non pas de quelques uns mais de tous. Une Nation suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. L’existence d’une nation c’est un travail fait par tous suivant cependant notre degré de responsabilité dans la société. Dans une Nation, nous avons des habitants, ils sont en villes, ils sont dans les campagnes, ils sont des ouvriers, ils sont des agriculteurs, des agents de l’État, des fonctionnaires, des agents du secteur privé, des enfants, des étudiants, ils sont la Nation et seule leur voie compte, aucune voix n’est au dessus d’une autre. Ce qui compte pour nous tous c’est notre vœu commun.
 Ceux qui distillent la haine à longueur de journée veulent manipuler la Nation. La science acquise doit être au service de la Nation et non contre elle donc contre ses habitants. Vous avez suivi comme moi ces universitaires qui appellent à la guerre, qui font abstraction dans chacune de leur prise de parole de la sciences politique, du droit, de la métaphysique et même de la théologie cherchent quoi selon vous ? Soumettre le peuple à leurs seuls désirs. Ceux qui veulent la sécession, l’émiettement du Cameroun veulent un retour à la préhistoire, à l’époque où l’homme n’était qu’un loup pour le prochain.
Le débat sur le fédéralisme n’est pas ouvert pour moi mais pas à cause de moi mais par le fait de ceux et celles qui tirent les conclusions, ceux qui trouvent sans avoir cherché au préalable. Je suis le produit d’une école et cette école a elle-même une histoire, il en est ainsi pour tout un chacun. Personne ne peut raisonner par lui-même sans se référer à d’autres, à l’histoire. Et l’histoire pour moi s’écrit au présent avec des références du passé. Le Cameroun a une expérience du fédéralisme. Ceux qui nous le présente aujourd’hui comme une trouvaille ont donc la mémoire courte. Pourquoi avons nous échoué dans le fédéralisme ?
C’est à eux d’argumenter afin de nous convaincre qu’aujourd’hui nous sommes mieux préparés qu’hier.  L’homme n’est pas éternel, je suis bien placé pour le dire puisque je tiens tous les jours une nécrologie. Ce qui est vrai pour l’homme l’est aussi pour les peuples, les Nations. L’histoire aujourd’hui nous appelle non à l’émiettement mais aux grands ensembles, c’est l’heure des grands ensembles en ce moment, c’est une nécessité. Leur existence est la garantie de la liberté, du développement qui seraient perdus si chacun s’en retournait faire sa petite sauce en dressant de grands murs pour donner l’illusion de défendre ce que l’on n’a pas en réalité.
J’écoute beaucoup je lis aussi mais que lire et qui écouter ? Ceux qui parlent de fédéralisme ne nous disent pas quelle forme il doit prendre. Alain Nkoyock dans une publication le 22 novembre 2016 propose le retour au fédéralisme sous le modèle Suisse que Tchemwe Fodzo identifie le 19 février 2018 comme étant salutaire parce que ethnique.
J’ai entendu Mathias Eric Owona Nguini que le Cameroun a vocation à évoluer « progressivement vers le fédéralisme, parce que le fédéralisme est sa nature… » Mais il exclut un fédéralisme à deux États comme ce fut le cas en 1961. Certains voient donc dans le fédéralisme le seul et unique avenir du Cameroun ! Le fédéralisme à dix Etats sur la base ethnique et qui obéirait donc au découpage administratif que nous avons en ce moment avec chaque région qui deviendrait un État !
Les tenants de cette thèse parle d’une diversité qu’on ne saurait ignorer au Cameroun ! Une diversité ! Et voici donc un État, une Nation prise en esclavage par les ethnies qui la composent, par les langues que parlent ses population, possiblement aussi par les religions présentes sur son territoire. Mais une Nation, sa forme unitaire et décentralisée comme le veut le texte fondamentale de notre pays, c’est plus que les langues, plus que les ethnies, c’est le sentir,  ce sont les cours d’eau, la végétation, la faune, les collines et les montagnes. Ce sont les hommes par leur conscience, par leur force de sacrifice et d’abnégation, par leur morale qui créent la Nation. Alors oui, tout ceci a besoin d’un encadrement juridique et morale (droit et théologie), quand nous avons des doutes nous nous mettons autour d’une table, on consulte le peuple, les députés ceux à qui nous avons délégué notre parole pour défendre nos intérêts et légiférer en nos lieux et places.
Le fédéralisme ethnique éthiopien, qu’a-t-il donné ? Une étude de Crawford Young politologue britannique montre aujourd’hui que ce fut une grave erreur pour l’unité de ce pays. Je sais que mes critiques pourront argués que le fédéralisme ethnique éthiopien est un mélange de théorie soviétique sur les nationalités avec une hégémonie léniniste centralisée et autocratique. Les conséquences nous les connaissons tous aujourd’hui, un fort développement d’une conscience ethnique donc d’une dégradation d’une conscience nationale.
Construire une Nation, c’est être capable de tenir compte des savoir locaux et de les intégrer dans un grand ensemble pour en faire des valeurs collectives et non les embrigader dans une espèce de centralité des croyances dans la formulation des catégories ethniques. Un tel projet ne peut que être voué à l’échec.
Les croyances ethniques ou dans les communautés ethniques ne sont jamais homogènes ni également partagées parmi les membres de la communauté. Pour développer une culture il faut qu’il y ait en permanence une interaction constante entre ceux qui appartiennent au groupe ethnique et ceux qui n’en font pas partie et dont beaucoup peuvent avoir de multiples statuts identitaires. C’est cela un peuple.
Le fédéralisme vers lequel on nous invite a donc quelle orientation ? Ethnique ? Linguistique ?
De quel type de fédéralisme nous parle-t-on au Cameroun ? Le fédéralisme à deux Etats donc de type linguistique qui s’appuierait non pas sur l’histoire du Cameroun comme Nation moderne en construction mais sur le tatonnement du 1er octobre 1961 né des retrouvailles entre le Cameroun dit français et le Cameroun dit britannique. Bâtir le projet fédéraliste à base linguistique sur le français et l’anglais c’est faire abstraction de tout l’héritage historique millénaire des peuples du Cameroun décrit par Engelbert Mveng et Bernard Fonlon. Non le Cameroun n’est pas les Etats-Unis, ce n’est pas l’Allemagne, ce n’est pas la Suisse, ce n’est pas le Canada ni l’Australie. Le fédéralisme ne saurait se définir par le critère linguistique ni par le critère uniquement géographique, pas sur l’économie,  mais oui sur l’histoire l’histoire.
Oui les « states » américain et les « länder » allemands, les cantons suisses, les provinces canadiennes ou australiennes sont des entités, les unes très anciennes, les autres plus récentes, qui précèdent, non d’un découpage linguistique, géographique ou économique, mais de l’évolution historique/ Exceptionnellment (dans le cas de l’Alaska et des îles Hawaï) la géographie a joué un rôle. En Suisse, la religion explique l’éclatement du canton d’Appenzell en demi-cantons et, pour une bonne part, la création du canton du Jura. Mais, dans l’ensemble, la formation des Etats fédérés ne procède d’aucun principe particulier, mais résulte des hasards et jeux de force de l’Histoire.
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