Affaire Patrice Nganang… Pour odile Tobner, les sorties Mbembe et Owona Nguini contre Nganang ressemblent à un coup de pied de l’âne

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Affaire Patrice Nganang… LA FEMME DE MONGO BETI, ODILE TOBNER, RÉPOND À ACHILLE MBEMBE ET OWONA NGUINI.
Pour Patrice Nganang.

J’ai lu avec consternation le texte publié par Achille Mbembe, avec lequel a fait chorus celui de Mathias Owona Nguini, à propos de l’arrestation et la séquestration arbitraire de l’écrivain Patrice Nganang. Je sais que les ego surdimensionnés de ces deux « sommités », ont été, en diverses circonstances, offensés par les propos de Patrice Nganang. Il s’agissait de polémiques anecdotiques, comme il y en a tant, en permanence, dans la vie littéraire ou intellectuelle, combats de coqs qui amusent un instant la galerie, qui « créent le buzz », pour parler le jargon à la mode. C’est sans aucun intérêt. Ce genre de débat ne vaut que par le talent des protagonistes et il faut avouer que cela ne volait pas bien haut, de toute part, dans ces cas d’espèce.

Mais que, dans les circonstances présentes, Mbembe et Owona Nguini à sa suite n’aient pas hésité à vomir publiquement et injurieusement leur ressentiment sur un homme emprisonné et lui infliger le coup de pied de l’âne est proprement inqualifiable. En cette occasion ils n’ont même pas eu la simple décence de se taire. Ne parlons pas en effet d’élégance, cette notion leur est totalement étrangère. Quant à l’éthique, alléguée par l’un d’eux, c’est un terme tellement galvaudé dans le ronflement oiseux du discours public, qu’on a honte de l’employer, mais, comme on dit, « le papier ne refuse pas l’encre ».

Les basses prestations de ces moulins à paroles ne vaudraient pas une ligne de commentaire si elles ne venaient lâchement mettre au second plan les auteurs de l’agression qu’a subie l’écrivain Patrice Nganang et faire oublier le scandale de la violence dont il est victime. Mbembe a beau demander sa libération, c’est, dans le contexte du contenu de son intervention, l’expression d’un jésuitisme, qui semble une marque essentielle de sa pensée. Le jésuitisme consiste à parer de mots aussi vertueux qu’alambiqués les conduites vulgairement opportunistes. Quant au délire verbeux d’Owona Nguini, il relève de la chasse à l’homme du plus bas étage, des aboiements aux ordres du maître de la meute.

Dire de Patrice Nganang qu’il n’est pas Hugo c’est à la fois enfoncer une porte ouverte et montrer une piètre connaissance de Hugo. Dans « Les châtiments » ce dernier, de la façon la plus grossière et la plus débridée, interpelle Napoléon III sous les noms de « Mandrin », le plus célèbre bandit de l’époque, « assassin », « histrion » etc.

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Il évoque emphatiquement les « ruisseaux, les mares de sang » de la répression. Évidemment les Mbembe et Owona Nguini de l’époque ont trouvé que Hugo était atteint de folie, tout comme les petits penseurs parisiens, qui raffolent des œuvres anodines de leurs nègres de service, ont toujours trouvé Mongo Beti choquant et excessif dans ses charges précises contre des réalités politiques qu’ils préfèrent voir couvrir du voile de généralités inoffensives.

Mais foin de ces considérations pédantesques. Il n’y a qu’une seule chose à dire, répéter, clamer tant qu’on peut : les hommes de main du pouvoir camerounais tiennent sous les verrous quelqu’un qui n’a rien fait que d’écrire de façon forte ce qu’il pensait et décrire ce qu’il voyait de scandaleux, ce qui est un droit élémentaire de l’homme et du citoyen digne de ce nom, que seuls les esclaves volontaires renoncent à exercer. De plus il faut dire que ce qui est digne de respect chez Patrice Nganang c’est que, tout écrivain qu’il est, il fréquentait les quartiers, y organisait des travaux de construction d’école, de voirie et d’assainissement, c’est qu’il a manifesté à Yaoundé, quasi seul, devant le palais de justice pour la libération d’Enoh Meyomessé, c’est qu’il est allé secourir les prisonniers, c’est qu’il a sillonné pendant un mois un pays en colère et dialogué avec ses leaders, défiant le pouvoir, en un mot c’est un homme de générosité, de sincérité, et surtout de courage. Insinuer qu’il a pris autant de risques pour sa gloire personnelle est pire qu’une infamie, c’est une stupidité. L’écrivain, c’est la postérité qui le jugera, tout comme elle enterrera les petites gloires médiatiques si conformes à ce que les pouvoirs du moment attendent d’elles.

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La bestialité, elle, ne s’est pas trompée d’ennemi, elle a arraché avec violence sa liberté à Patrice Nganang, un homme qui, de façon exemplaire, faisait usage de cette liberté où et quand cela demande du courage. Tous les gens de cœur sont avec cet homme indomptable.

Odile Tobner, 18 décembre 2017

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