Achille Mbembe contre Patrice Nganang : un “fou” entreprenant peut perdre. Mais un “sage” qui parle plus qu’il n’agit a déjà perdu

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ACHILLE MBEMBE : POURQUOI TANT DE HAINE ? Par Georges Dougueli
J’aurais cru à un « fake » si son style n’était si reconnaissable. Oui, c’est bien Achille Mbembe qui a écrit ce texte suintant le ressentiment, voire la haine à l’égard de Patrice Nganang. J’en suis consterné. Je l’imagine souffrant mille morts à s’imposer le silence alors qu’il aurait tant voulu se payer l’insolent qui l’a agoni d’insultes pendant des mois. Il avait décidé de prendre de la hauteur. Il en a été blessé. Nous aussi. Excédés par ce spectacle navrant, voire obscène, nous avons essayé d’y mettre un terme en adressant une lettre ouverte à Patrice Nganang. Il ne m’a pas écouté même si, lassé de se battre sans adversaire, il a fini par s’arrêter. En ce moment-là, pour notre illustre aîné, le silence c’était la dignité. Nous l’avons trouvé digne. Je dois préciser qu’en dépit de quelques échanges téléphoniques et électroniques, je n’ai jamais rencontré Monsieur Mbembe. J’aurais pu privilégier la très cordiale relation qui me liait alors à Patrice Nganang, que j’ai rencontré à plusieurs reprises. Cela ne m’a pas empêché de ferrailler auprès de la rédaction de Jeune Afrique pour que nulle pige rémunérée ne lui soit plus attribuée en raison de ses outrances et écarts langagiers. Cette « censure » a duré plus de deux ans. Période pendant laquelle il s’est calmé, occupé à construire des ponts et des écoles au Cameroun avec son association.
Arrêté en violation des règles de procédure, jeté en cellule, Nganang est un citoyen qui a besoin d’aide. A l’en croire, des gens ont pressé Mbembe d’y contribuer. Il aurait mieux fait de s’abstenir. Je suis déçu que l’un des meilleurs cerveaux de notre pays n’ait pas résisté à l’envie de frapper un homme à terre. « Vite relâchez-le », écrit-il. Ce dont Nganang a besoin, ce n’est pas de croupir dans une sordide cellule. C’est de continuer à être, parmi nous, la figure vivante de la déchéance… », poursuit Mbembe. C’est si féroce. Et finalement si Camerounais ! Au langage fleuri de Nganang, il répond avec l’élégance condescendante de son écriture et la cruelle délectation de celui a longtemps macéré dans le vinaire le plat de sa vengeance. N’en jetez plus ! Je vois déjà les d’écrivains qui ont signé la pétition pour la libération du trublion écarquiller les yeux en lisant ce festival de mesquinerie. C’est nous. C’est le Cameroun.
SIGMUND MBEMBE
Comme pour accabler l’objet de son courroux, Mbembe nous entraîne – et nous étrille -, nous autres, soutiens de Patrice Nganang, en convoquant cette science ésotérique – et contestée – qu’est la psychanalyse. Il condescend à s’exprimer sur cet « Evénement hystérique », mettant en scène ce « sujet agité », qu’il exclue d’autorité du monde des lucides par un méprisant « Faire une place au fou parmi nous ». Et Mbembe de poursuivre que « C’est vrai – et on ne s’en est pas suffisamment rendu compte – qu’un certain mode d’exercice du pouvoir a produit, chez nous, d’innombrables blessés, des sujets hallucinés, des gens victimes de toutes sortes de lésions, de traumatismes, de tumeurs, d’encéphalites, littéralement disloques, terrasses par toutes sortes de troubles, y compris de schizophrénie, d’autismes, de névroses et d’épilepsies, d’obsessions compulsives, de syndromes d’hyperactivité, de déficit d’attention. »
Constatons qu’en posant ainsi son diagnostic, le docteur Mbembe considère avoir échappé aux psychopathologies qui nous gouvernent. Qui nous dit que ce dépit amoureux qui étreint tout Camerounais contraint à l’exil n’a pas chez lui, dégénéré en déprime ? Peut-être s’est-il guéri mais ne nous a rien dit du traitement qu’il se réserve. Au bout du compte, ne sommes-nous pas un peuple de polytraumatisés ? Le premier étant Paul Biya, depuis que la Garde Républicaine a tenté de l’assassiner le 6 avril 1984 ? Ne sommes-nous pas tous traumatisés par le Napalm déversés sur nos villages, les têtes coupées des maquisards, les empoisonnements de Genève, les exécutions de Bafoussam et de Mbalmayo, les sépultures profanées de Conakry … Ne sommes-nous pas tous des Nganang en sommeil ?
Rappelons des évidences : Ce dont il est question dans cette affaire c’est de respect des libertés fondamentales. Et en matière de libertés, il n’y a pas d’absolu. Nous nous battons pour en obtenir et en conserver. Pire, nous perdons celles pour lesquelles nous cessons de nous battre. Dans cette bataille, un “fou” entreprenant peut perdre. Mais un “sage” qui parle plus qu’il n’agit a déjà perdu.

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Par Georges Dougueli avec Boris Bertolt

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