LE RENARD ÉDENTÉ et le coq

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Un jour, un vieux renard roux édenté (privé de dents), les yeux morts, les oreilles tombantes, éborgné (privé d’un œil), les mâchoires déréglées, et qui était surtout très affamé de son prestige passé, qu’il avait perdu suite à un accouplement fortuit avec une fée malsaine, demeurait inconscient de son handicap. Il voulut attraper un coq fort dodu. Mais, il n’avait plus ni griffes ni dents. Le voyant trottiner avec une risible fougue vers sa direction, l’oiseau domestique s’approcha de lui et, avec une grande componction (grande tristesse). Il l’interrogea en ces termes :

Le renard et le coq

« Sir, où vas-tu de ce pas ? Comment peut-il donc, sensément, penser au métier de la chasse, dans ces conditions ? Comment peux-tu oser encore parler des affaires de dents, qui sont au-dessus de notre commune condition ? »
Il poursuivit : « Vis comme moi, greffe-toi un bec et tu seras presque aussi heureux que moi. Tu auras une basse-cour royale. Sir, faire le péché est tout doux… Autrement, tes coups de pattes, qui sont dépourvues de visses, seront ressentis comme des caresses sur mon plumage coloré, qui hypnotise toutes les femelles autour de moi ! Économise tes énergies. Si tu t’entêtes à me pourchasser avec ta force dérisoire, tu t’époumoneras, en vain, et tu seras la risée des autres mammifères qui nous regardent et qui sont informés de tes déboires nocturnes. Exorcise-toi et confie tes tourments et la nature de tes compromissions au Seigneur, pour qu’il t’épargne un châtiment plus grand et une plus funeste fin ».

Le vulpes (ce genre de renard) ouvrit l’espace vide qui, naguère, tenait lieu d’effroyable museau, qui était maintenant ramassé, et voulut articuler. Mais, il n’y parvint pas. C’était comme si tous les dieux l’avaient abandonné. Le coq compris la déréliction (sentiment d’être abandonné à son sort, sans secours) du canidé (mammifère carnivore), et, assailli de pitié, il lui parla si longuement et avec des mots si justes, qu’on eût dit qu’il parlait à un humain :

« Mon ennemi d’hier, maintenant que je ne crains plus rien de toi, puisque tes complices t’ont dépouillé de tous les attributs qui te rendaient si redoutable et détestable, à mes yeux. Je vais te confier, en secret, l’identité et le credo (croyance) de ceux qui t’ont anéanti.

L’ensorcelante fée de l’autre soir, en prenant dans sa bouche lumineuse ton jus de vie, t’a inoculé un terrible poison qui t’a dépouillé de ta puissance critique, de ta vigueur musculaire, de ta clairvoyance et de ta vivacité d’esprit. Ces qualités t’aidaient à mieux manager tes proies et à échapper aux périls de la forêt des imprévus qu’est la vie.

Le venin avec lequel on t’a empoisonné cause une onycholyse (maladie qui enlève les ongles) et provoque un arrachement complet de la dentition, un peu comme dans les rêves dont Freud parlait… Cette revenante appartient en réalité à un commando de mécréants cyniques (des gens sans foi, ni loi) qui écument le village, en assassinant les corps vigoureux et les génies de la chasse (intellectuelle), comme toi.

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N’écoute plus les insinuations tendancieuses au moyen desquelles ils veulent t’endormir à présent ? Pose-toi plutôt la question suivante : quelle est leur façon de croire, de penser et d’agir ? Je vais rapidement te parler, tour à tour, de ta faute (I), de leurs fausses vérités (II), de leur meurtrière éloquence (III) et, en tant qu’ancien homme de guerre, je vais tâcher d’identifier tes véritables ennemis (IV).

I- Ta faute
Je dois te parler durement, mon converti, mon allié de circonstance. L’impréparation aux hautes fonctions de carnivores te prédisposait à cette triste sortie. Tu as cru que ta fourrure, comme une coque rectorale, serait imperméable aux assauts des critiques sacrilèges, comme celles que je t’adresse à l’instant, et qu’elle ferait de toi un « intouchable ».

Pendant des années, je t’ai vu agir, dans cette basse-cour, et j’ai suivi, à la loupe, tes transformations terrifiantes. J’ai compris que, quand on meurt dans une secte de factieux (je veux dire des gens rebelles à l’esprit républicain), on ne vit plus normalement ; on ne vit plus dans la vraie vie. Dans tes mues, on imprimait en toi, chaque jour, des pulsions fixes et meurtrières. On développait en toi une dévotion vive en faveur de tout ce qui est contre-nature, illogique, voire démentiel. Ils t’enterraient dans la haine et tu continuais de sourire ! Tu te dégoûtais tellement de toi-même, en tuant tous les poussins qui s’aventuraient au soleil, que tu ne voyais plus, autour de toi, que des ennemis et des étrangers corvéables (qu’on peut esclavagiser et saigner, à souhait).

De naissance, tu n’es pas une nature poétique. Là, tu présentais toutes les caractéristiques d’une inhumanité tragique, c’est-à-dire une impossibilité d’ « être » assumée. Les frissons que m’inspiraient tes bouleversantes expéditions me faisaient presque regretter les éblouissements incommodants du carnaval des bêtisiers. J’implore la miséricorde du Ciel sur tes dresseurs qui t’ont fait devenir comme un homme. Leur tort est de t’avoir fait perdre les saveurs de la civilisation…

II- Les fausses vérités
Quoique nos origines soient inconciliables, j’ai, de par l’expérience que j’ai acquise en prenant refuge chez eux, chaque soir, observé que les hommes qui nous persécutent désormais, toi et moi, défendent des pays qui n’existent plus, comme s’ils étaient actuels. Dans leur langage hermétique, ils diraient qu’ils sont partisans d’un souverainisme tropical (anachronique). Pour eux, la défense de ces imaginaires d’illuminés doit sacrifier toutes les vies humaines nécessaires à leurs fantasmes, ainsi que toutes les richesses des États présents.

Un jour, Mao Tsé Toung dit ceci : « On a raison de se révolter contre les réactionnaires ». C’est maintenant que je comprends de quoi il parlait. Il savait que dans les moments paradigmatiques (les moments graves, quand ça passe ou ça casse !) d’une nation, il y en avait qui servent de blocages à l’expression de la liberté et au développement économique équitable de leur peuple sous le prétexte de lutter contre les ennemis extérieurs. Avec un verbe empesté, une éloquence cadavérique et une respectabilité de serpillère, ils allument le feu dans le cœur de leurs concitoyens et polluent l’atmosphère de haine.

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La vérité, pour eux, n’est pas une expérience, un vécu entretenu par les massages quotidiens de la rectitude morale, de l’honnêteté et de l’empathie. La vérité, s’efforcent-ils de croire, est l’oubli de la réalité crue, têtue, à savoir, le mal-être chronique dont ils souffrent et qu’ils veulent voir répandu dans la société. Aussi se permettent-ils d’encenser leurs élucubrations comme des marques indélébiles du passage de Dieu sur terre ; ils vivent dans leurs théories politologiques moyenâgeuses, avec tout le confort des illuminés qui digèrent mal la malédiction où ils se sont fourrés. Ils appellent idées, les connivences avec le faux et le mauvais goût.

En réalité, ils ne théorisent pas, ils récitent le « chacun pour soi », qui est leur prière quotidienne. Ils disent qu’ils écrivent des livres (non publiés, donc imaginaires) et exigent qu’on les traite comme des Blancs, comme des bourgeois (ceux qui vivent d’exploiter les autres), vu qu’il ne leur suffit plus d’être seulement des Bantous.

Heureusement, la nature sachant faire les choses, ils rencontrent finalement, au crépuscule de leur imposture, d’authentiques auteurs, l’un d’eux, un critique obstiné, a écrit et publié deux livres très appréciés. Et les gens ont vu. Et les gens ont lu : d’abord Esthétique critique de la réflexivité (2012), et ensuite Les affres de la philanthropie (2015). Voilà ce qu’on appelle écrire : on lit l’ouvrage et l’on est en extase (on a le goût jusqu’à…). Les autres, déjà élevés au rang de « Presseurs », terminent le premier chapitre… de leur tout premier livre !

III- La folie meurtrière de l’éloquence
Je vais maintenant te parler de leur éloquence meurtrière. Retiens que leur incapacité d’atteindre les cimes provoque des complexes de supériorité. Aussi développent-ils une éloquence létale qui ruine le raisonnement, mine la vérité et pérennise un statu quo chaotique. L’on peut paraître éloquent, sans réussir à persuader véritablement ; tout comme un sujet émouvant peut manquer de sincérité. Dans les deux cas, il faut se rapporter à ce que le bon sens commande d’entendre comme vrai, dans un tel habillage de formules policées. Car, des envies méprisables peuvent se dissimuler dans une rhétorique enflammée.

Cette éloquence de sophistes (les gens qui, dans la Grèce antique, gagnaient des fortunes parce qu’ils excellaient dans l’art de manipuler les mots) impose un calme guillotineur (tueur) qui n’est pas propice à l’éclosion d’une véritable paix sociale. À force d’assister aux écoulements redondants de leurs emballements médiatiques de haine, d’incompréhension et d’incompétence, je finis par désespérer de les voir penser sainement. Quoique la conscience (si elle est saine) soit infaillible, on finit par douter qu’on ait affaire à des visages humains. C’est pourquoi « l’éloquence ne vaut rien. Il faut que l’esprit soit seul ». Mieux, elle « convient surtout pour annoncer des malheurs, ou bien pour faire revenir les malheurs passés ». Et il faut développer un autre type d’éloquence, celle-là est intérieure. C’est à travers elle qu’on « se venge souvent des plats discours et des flatteries de convention ».

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IV- L’homme de guerre et ses véritables ennemis
Mon ami,
Tu fus, jadis, un homme de guerre. Mon ancien homme de guerre donc, convient, avec moi, que ceux qui t’ont aseptisé sont une horde infernale, des meurtriers et des imposteurs. Tes amis d’hier, ceux avec lesquels tu t’es allié depuis ton âge mûr pour me chasser, ceux qui t’ont rendu tel que tu es maintenant, sont comme les gens dont parle le sage : « Des hommes qui ne se croient point fous individuellement se croient fous collectivement. Parce qu’ils croient que la guerre ne peut être voulue, et qu’elle est toujours subie, ils en cherchent autour d’eux les signes sacrés. Ils les reconnaissent, les nomment, et ainsi les lancent eux-mêmes à leurs frères épouvantés ». En fait, leur emportement à anéantir tout ce qui respire une vie saine est leur seule Loi et le massacre est une des conditions du jeu. Il n’en est même pas la fin…

Chaque fois, dans leurs conflits, dans leurs guerres, l’homme est oublié. Or, notre rôle, que Dieu nous a confié, en tant que nourriture du corps et de l’esprit des humains (parce qu’ils te mangent et me rôtissent aussi), c’est de nous assurer, non seulement que ceux que nous engraissons par notre mort (tous les frères et les sœurs humains) ne soient gommés nulle part sur terre, mais aussi qu’aucun d’eux ne se métamorphose en gommeur d’autres humains.

Demandons-leur un rendement : essayons de leur échapper. Tu verras comment ils vont se mettre à notre poursuite, sans distinguer le mammifère et la volaille. Ils nous présenterons l’étendue de leur puissance. Or, elle s’avère être, en fait, notre propre respiration. Car, en République, que pourrait valoir un prince ou des citoyens qui ne seraient pas l’émanation de toutes les richesses qui composent l’État, donc, nous aussi ?

Je ne sais si le Renard avait été converti au nouvel évangile de la lucidité et s’il avait suivi les conseils du coq. Je ne sais pas, non plus, s’il avait survécu à sa mystérieuse mutilation (le fait de perdre un membre, voire une fonction, de son corps).

D’ailleurs, suis-je d’humeur à suivre la fin tragique des mammifères, même si, par ailleurs, j’affectionne goûter aux aventures chevaleresques des carnivores dominants, notamment les lions, dans la chaîne Nat Geo Wild.

Ceci dit, le temps n’est pas aux rigolades qu’accouchent les contes de fées…

Je veux parler des choses de l’esprit et méditer en mon cœur : en ce jour, le 6 novembre, l’heure est au deuil !


Fridolin NKE
Expert en discernement

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