Alain Fogue: “NOUS ALLONS ÊTRE TUÉS POUR LA DIGNITÉ DU PEUPLE“

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Afin de se maintenir au pouvoir malgré la victoire revendiquée de Maurice KAMTO, Paul BIYA, âgé de 85 ans et au pouvoir depuis 36 ans, attise la confrontation tribale après avoir plongé les deux Régions anglophones du pays dans la guerre civile sous le regard indifférent des grandes puissances et de la communauté internationale

Les camerounais et le monde doivent être informés du drame qui se prépare sous les yeux du régime au pouvoir et avec sa complicité. Personne, et surtout pas les pays amis de ce régime ainsi que la communauté internationale ne devra, comme au Rwanda en 1994, prétendre qu’il ignorait ce qui était en préparation.

En effet, dans les médias publics et les médias privés contrôlés par des promoteurs très introduits dans le sérail, sur les réseaux sociaux, la haine tribale, en particulier la haine du Bamiléké accusé de tous les maux, a atteint son paroxysme avant, pendant et après le scrutin présidentiel du 7 octobre 2018, sous le regard indifférent, amusé voire complice du pouvoir. Tous les diplomates en poste au Cameroun ainsi que ceux qui s’intéressent à l’actualité du pays ont été témoins et sont encore témoins de l’ancrage tribal donné à ce scrutin par le régime en place à Yaoundé.

Le Cameroun est indépendant depuis 1960 et n’a jusqu’ici connu que deux présidents de la République. Le Président Paul BIYA, arrivé au pouvoir en novembre 1982 à la suite de la démission subite d’Ahmadou AHIDJO, dirige paresseusement un pays de plus de 25 millions d’habitants, richement doté par la nature, occupant une position stratégique au cœur de l’Afrique Centrale, mais qu’il a plongé dans une régression économique, sociale et morale. C’est un pays qui caracole aux premières places dans le classement pas élogieux des pays les plus corrompus au monde depuis plusieurs décennies. Il est 163ème pays dans le Doing Business 2018 et tous les différents rapports d’International Crisis Group ces derniers mois sont alarmants sur sa situation sécuritaire.

En clair, le Cameroun, qui est aujourd’hui transformé en une usine à gaz, aurait pu être un pays où il est agréable et paisible de vivre s’il avait été bien gouverné. Mais plus grave, c’est une terre où le régime qui gouverne a laissé se mettre en place, comme au Rwanda en 1994, tous les ingrédients d’une confrontation tribale avec pour seule finalité la conservation du pouvoir.

La présente alerte est probablement la dernière, avant que les machettes que certaines pontes du régime ont distribuées dans les quartiers n’entrent en action contre les Bamiléké, mis au banc de la société depuis les luttes pour l’indépendance par les stratèges coloniaux français pour leur nationalisme, leur esprit entrepreneurial, et plus encore pour leur sens aigu pour l’intérêt national. L’Etat postcolonial mis en place par Paris a hérité de cette haine du Bamiléké dont le régime se sert comme dernier rempart chaque fois que se pose la question de l’alternance politique dans le pays. Le régime autoritaire de M. BIYA se joue de la peur du Bamiléké orchestrée, entretenue et assumée sans aucun complexe par ses dignitaires pour resserrer les liens autour de lui.

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Lors du scrutin d’octobre 1992 où selon certaines sources M. BIYA avait déjà été battu par un leader de l’Ouest anglophone, c’est en agitant la menace “anglo-bamiléké” que le régime avait réussi par les armes et avec le soutien de Paris à mater les contestataires. Le 07 octobre 2018, dans la région de l’Ouest Bamiléké, selon les résultats officiels, 48,19% des électeurs ont voté pour Paul BIYA et 30,56% pour Maurice KAMTO “le fils” du terroir, alors que dans le Sud natal du Président sortant, celui-ci a obtenu un score de 92,91% et Maurice KAMTO 2,15%. En comparant des résultats des deux régions, fruits du travail des informaticiens à la solde du pouvoir, on peut aisément imaginer la région dans laquelle le scrutin a été relativement transparent et également avoir des arguments sur le vote tribal. À l’évidence, la haine du Bamiléké qui est aujourd’hui alimentée par le régime tient à sa peur de perdre le pouvoir. En effet, même en ayant financé à coup de milliards de francs CFA la campagne de M. BIYA et en ayant voté pour lui, les Bamiléké restent, au regard de la haine qui se déverse sur eux, des suspects, voire des coupables. Ils sont coupables de “détenir le pouvoir économique” et de nourrir en plus le désir d’accéder au pouvoir, même si c’est par la voie des urnes. Comme au Rwanda en 1994, un vent mauvais est entrain de se lever sur le Cameroun.

Les Etats n’ont certes pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. Cependant, les Etats amis du Cameroun qui feignent de ne pas savoir ce qui se prépare doivent savoir qu’ils devront en répondre devant leurs peuples et devant l’humanité.

Ceci est l’alerte d’un citoyen qui voit le ciel s’assombrir sur son peuple, dans une indifférence que seuls les calculs géostratégiques des puissances et du monde peuvent expliquer. C’est l’alerte d’un citoyen qui, dans les heures, les jours, les semaines, les mois qui vont suivre, va être probablement tué par un coup de machette ou une balle acquise avec l’argent de ses impôts.

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C’est l’alerte d’un citoyen qui sent un vent mauvais souffler sur son pays dans l’indifférence d’une communauté internationale qui pourtant sait tout; tout de la situation économique, sociale, sécuritaire du pays, et surtout du scrutin du 7 octobre 2018.

Si les pays amis du Cameroun et la communauté internationale ne font rien pour rétablir la vérité et pour arrêter ce qui s’annonce à travers les messages de haine tribale qui sont largement et impunément diffusés quotidiennement, qu’ils ne viennent pas demain fleurir hypocritement la tombe des Camerounais qui malheureusement vont être tués. L’organe en charge de la régulation des médias, dont le président a été condamné par la justice pour avoir rappelé à l’ordre une chaîne de télévision notoirement tribaliste, a tiré la sonnette d’alarme, en vain.

Que demain les croyants ne viennent pas prier sur nos charniers. Que les médias occidentaux dont de nombreux représentants au Cameroun sont payés par le régime pour cacher la vérité au monde n’organisent aucune émission sur les massacres annoncés. Que les industriels occidentaux qui font les affaires avec le régime contre les intérêts du peuple camerounais ne disent pas demain qu’ils ne savaient pas. Que les intellectuels occidentaux ne versent aucune larme, n’organisent aucune conférence internationale sur nos morts. Que la presse et les intellectuels camerounais qui savent tout du scrutin du 7 octobre 2018 et surtout de ce qui se prépare n’écrivent et ne parlent pas de nos souffrances avant de rendre l’âme.

Le Président français, Emmanuel MACRON, sait qui a gagné le scrutin du 7 octobre, mais, comme François MITTERAND au Rwanda en 1994, il est prisonnier du regard des stratèges coloniaux et des réseaux de la FrançAfrique légués aux hommes et femmes de l’Elysée et du Quai d’Orsay en charge de la politique africaine, alors que les temps ont changé.

Les Gouvernements des grandes puissances, qui pourtant sont au fait du désespoir du peuple camerounais, en particulier de sa jeunesse à la recherche d’un mieux être, qui fuit en masse son pays pour trouver la mort dans le désert, la Méditerranée ou aux frontières européennes, endossent le hold-up électoral qui a actuellement cours au Cameroun.

Ces Gouvernements savent aussi qui est le vrai vainqueur du scrutin du 7 octobre au Cameroun. Comme la CEEAC (l’organisation qui regroupe les Etats de l’Afrique centrale), l’Union Africaine, l’Union Européenne et l’ONU, ces Gouvernements savent, au-delà de fades proclamations, quels sont les mécanismes internationaux pour un comptage impartial des votes exprimés lors du scrutin du 7 octobre 2018 au Cameroun. Il suffirait que la communauté internationale demande un comptage et surtout un rapprochement des Procès Verbaux des bureaux de votes avec les listes d’émargements pour que la vérité s’impose à tous sur l’identité du véritable vainqueur de ce scrutin.

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Il ne faudrait pas que l’attentisme des grandes puissances et de la communauté internationale qui a conduit au face à face meurtrier et dévastateur entre l’armée et des compatriotes armés et installé la guerre civile dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du pays se reproduise dans le cas de la crise post électorale en cours.

Adieu au monde des intérêts des grandes puissances. Adieu à mes concitoyens des dix régions de mon beau pays qui ont cru la démocratie possible au Cameroun! je vais mourir en fixant le regard de mes bourreaux, qui sont probablement des frères, des amis, des collègues, des responsables de la sécurité à qui j’ai enseigné notamment l’amour de l’intérêt national en leur criant, s’ils m’en laissent le temps : mort pour l’amour de la patrie, pour la dignité de mon peuple, de tout mon peuple, du Sud, de l’Est, du Centre, du Littoral, du Sud -Ouest, du NordOuest, de l’Adamaoua, du Nord, de l’Extrême-Nord, de l’Ouest!

Toi, Bamkoui, Sindjoun, Kenfack, Djoumessi, Mbida, Foumane, Ze, Hamadou, Moktar, Bouba, Ahmadou, Bello, Ndanga, Nveh, Agbor, Ngwafor, Asuh, Ware, Mayang etc., milicien, membre des forces de sécurité ou de la police politique qui va tuer le “bamiléké” que je suis et le “Bamiléké politique” que sont mes camarades Assigui, Evina, Oko, Mamadou Mota, Margna, Okala, Noah, Dzou, Dayang, Nenwosela etc…, sache que nous allons être tués pour la dignité de notre peuple tout entier, et donc aussi pour tes intérêts et pour ceux de ta descendance. Nous allons mourir sans haine pour toi, mais meurtris de n’avoir pas su te faire partager les enjeux réels qui se jouent autour du hold-up électoral intervenu en mondovision devant le Conseil Constitutionnel après le scrutin du 7 octobre 2018.

Toi, notre bourreau, toi le bourreau des intérêts de notre peuple, toi le bourreau de l’alternance par les urnes et dans la paix, quand plus tard tu auras réalisé ton erreur, viens déposer une gerbe de fleur et le drapeau de notre beau pays sur notre charnier. Tu auras alors le droit de pleurer pour tes erreurs d’aujourd’hui.

 

Alain Fogue TEDOM
Mandataire du candidat Maurice KAMTO lors du scrutin du 7 octobre 2018.

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