En mémoire de Thomas Ashu Nkongho: Enseigner dans une zone en guerre: le prix élevé

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Après l’assassinat du censeur du lycée de Kumba-Kosala
Crise anglophone ou crise institutionnelle globale

Nous sommes certainement très nombreux, personnes physiques et personnes morales, à avoir jusqu’ici fait profil bas, maintenu la parole douce et inaudible sur le drame qui se joue dans les deux régions dites anglophones du pays, et ce malgré l’accumulation de nouvelles chaque jour plus tristes, plus morbides et plus troublantes. Mais s’il y a un temps pour ce jeu, pour le silence, pour la fuite en avant, il y a aussi un temps pour élever la voix, pour le réveil, pour l’interpellation, pour l’engagement et le dévoilement.
Si les images du gouverneur de la Région du Sud-Ouest contraint de s’encombrer d’un gilet pare-balles et d’un casque lourd de combat nous avaient déjà parus traduire une montée en flèche du danger, la mort brutale de Thomas Ashu Nkongho, censeur du lycée de Kumba-Kosala, suite à l’attaque de son établissement par un groupe de sécessionnistes, ne peut plus laisser la moindre âme sensible et patriote indifférente.

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Thomas Ashu Nkongho, censeur du lycée de Kumba-Kosala

La situation, reconnaissons-le une fois pour toute, populations et gouvernement, Chef de l’Etat et responsables à tous les niveaux de la république et de la représentation nationale, est grave, très grave. Il est dorénavant permit de s’interroger sur la qualification effective de la crise que vit le pays tout entier. En effet continuer de parler d’une crise des régions anglophones ou de crise anglophone, procède d’une analyse irréaliste, inappropriée et malicieuse. Nous sommes en présence d’une crise institutionnelle globale, et seule une réflexion et une solution institutionnelle globale peuvent encore nous sauver d’une inéluctable catastrophe.

Lorsque des écoles sont attaquées et brûlées, des enfants privées d’éducation et des éducateurs éliminés froidement, il faut être habité par le diable pour continuer à vaquer à ses occupations comme si rien ne se passe.

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La situation a atteint un niveau de déflagration qui impose à tous ceux qui sont détenteurs d’une parcelle de responsabilité, de se résoudre au dialogue, de laisser de côté leurs égos, prétentions et ambitions sectaires pour retrouver le chemin de l’humilité et de la nécessaire solidarité. Il devrait être acceptée et intégrée dans toutes les démarches intelligibles, la sagesse selon laquelle, un enfant ne pleure jamais pour rien, un groupe de personnes ne prends pas les armes pour de la complaisance, de même que personne ne peut espérer obtenir gain de cause pour d’éventuelles revendications fussent-elles justes et légitimes, en massacrant des enfants, en brûlant des écoles et en semant la terreur.

Notre sortie est un appel de désespoir, tant les nuages sombres que représente cette guerre qui monte, monte et monte en inquiétant notre quotidien et en hypothéquant notre destin collectif, n’a plus rien d’une simple folie de quelques groupuscules terroristes. Ce qui est en jeu dorénavant, c’est la gouvernance du pays, c’est l’ordonnancement institutionnel, c’est la façon dont nous avons construit jusqu’ici notre destin et l’envisageons en tant que nation, Etat, république et Communauté humaine organisée aspirant à la coexistence pacifique et au bonheur dans la diversité. Ne rien faire, ne prendre aucune initiative pour faire évoluer les méthodes de gestion des personnes et des biens, pour bouger, pour faire un pas en avant vers et pour le dialogue sera bientôt plus cruel, que les crépitements de ces armes attaquant le convoi du Gouverneur et la fougue de ces inconnus incendiant les écoles et abattant les enseignants.

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Voici donc soumis à notre conscience comme une terrible, effroyable et incontournable interrogation de culpabilité, le destin tragique d’un digne fils du Cameroun, d’un père de famille et d’un citoyen ordinaire qui avait choisi d’encadrer, d’éduquer et d’orienter les enfants dans leurs premiers apprentissages des rudiments de la connaissance et du savoir. La seule erreur de cet enfant du pays serait-il donc d’avoir choisi ce noble métier, d’être anglophone, de s’être trouver au mauvais endroit dans la mauvaise région ? Il en va de son sort comme de tous les autres civils et militaires souvent abattus froidement.
Mais au-delà de lui, qu’une seule ou qu’un seul de nos compatriotes soit en souffrance et c’est tous les autres qui sont en souffrance. Qu’une seule famille soit endeuillée par la faute de notre intransigeance, de notre incompréhension ou de notre égoïsme et ce sont toutes les familles qui sont endeuillées.

Qu’une seule région vive dans le doute des lendemains et les ténèbres, et ce sont toutes les dix régions qui sont explicitement concernées. Crise anglophone, c’est non. Crise institutionnelle globale, c’est oui. Le courage et la lucidité nous obligent à accepter ce qui n’est plus à cacher, parce que rien sinon une grande crise, ne peut projeter plus de cinquante mille de nos compatriotes dans des camps de réfugiés chez nos voisins. Et voici le grand paradoxe qui fait que de pays d’accueil des réfugiés depuis 1960, nous sommes devenus depuis 2017, un pays qui produit des réfugiés. Et bientôt, ce sera le tour de ce que l’on appelle « Communauté internationale », de se pencher au chevet de notre pays déclaré « malade ». NON, NON, NON, et mille fois NON.
La mémoire de Thomas Ashu Nkongho nous interpelle profondément et avec urgence, en commençant par le premier d’entre nous tous, le Président de la République, Chef de l’Etat, détenteur de la clé du dialogue que nous appelons maintenant de toutes nos forces./.

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Yaoundé, le 28 Avril 2018
Le Président de la Commission
SHANDA TONME
Médiateur universel

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