Vincent-Sosthène FOUDA: Opération épervier : Le pays est pris en otage par des égoïstes narcissiques

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Ils sont le socle sur lequel la République eidétique aurait dû s’appuyer pour prendre son envol. La République telle qu’elle nous est arrivée est une idée, nos parents Basile Juléat Fouda, Marcel Nguini, Alexandre Biyidi, Nde Ntumazah, Vroumsia Tchinaye, Abanda Ndengué, et j’en passe tout en disant qu’ils n’étaient pas aussi nombreux que cela, ont souhaité inscrire notre peuple dans une dynamique créatrice de civilisation. En cela, ils respectaient les articulations organiques de la société traditionnelle, la société civile en ordres et en corporations.
Ils n’avaient qu’une idée en tête ; faire  vivre la société sans lui substituer l’étendue morte et homogène du pouvoir économique, ou du pouvoir pour le pouvoir qui aurait donné naissance à un légalisme abstrait.  Basile Juléat Fouda dit à cet effet, en parlant de tout cet héritage avec lequel il faut composer, cet art littéral « est anonyme parce qu’art social, social parce que fonctionnel, et fonctionnel parce que humaniste. » Ceux qui sont en prison aujourd’hui, n’ont eu de cesse que de vouloir imposer une culture du « je », l’essence de leur être si tant est que nous puissions parler d’essence est et demeure cette entreprise de morcellement du corps social et de l’État en des atomes singuliers.
Ministres camerounais, prisonniers
Ils n’ont eu de cesse de morceler le corps social c’est-à-dire l’espace public tel qu’il est dans l’espace et le temps heideggerien, en de fines particules, pour les isoler de plus en plus pour qu’une fois séparés, ils puissent alors agir par masse puissante et dynamiquement sur ces atomes isolés, c’est-à-dire une fois de plus selon le seul jeu de leurs forces et de leurs égoïsmes. Nos pères étaient des positivistes fonctionnels et le pays est pris en otage par des égoïstes narcissiques. Ils ne sont pas capables de léguer quoi que ce soit à ce pays en terme de production cohérente qui demeure c’est-à-dire se transmet d’une génération à une autre.
On leur a demandé de construire un pays ils ont forgé des ethnies et des clans !
Lorsque Marcel Nguini soutient en 1956 la première thèse camerounaise de droit à l’université d’Aix-en-Provence, elle porte sur la valeur pratique et sociale de la tutelle française du Cameroun. Il y aborde la différence de la législation entre la France et le Cameroun dans un pays que certains pourraient voir comme sans législation. Marcel Nguini construit pourtant en présentant la nation comme la codification après coup de lois non écrites, ou de coutumes dont seules l’ancienneté et l’habitude ont fait une seconde nature.
Il dit alors à cet effet, en puisant dans l’histoire que « l’École du droit admet que la matière du Droit est déterminée par la totalité du passé de la Nation » Basile Juléat Fouda quant à lui dira, en partant des travaux de Paul Radin et de son ouvrage Primitive man as philosopher, « cet ouvrage que je cite dans ma thèse, a été déterminant dans mes recherches ; car ce que Paul Radin avait fait en Sociologie sur les indiens d’Amérique, je décidais de le faire en Philosophie sur les Négro-Africains traditionnels. » C’est cela la première détermination de la culture et de la politique d’une Nation : l’attachement d’un peuple à ses coutumes historiques et notamment à son droit coutumier (Marcel Nguini), à sa pensée (Basile Juléat Fouda). C’est ainsi que nos pères ont défini un des aspects, je ne voudrais pas dire la totalité, l’essentiel de la Nation. Nos pères ont construit un « État » qui ne se voulait pas autonome vis-à-vis de la société envisagée non pas sous son aspect de société-civile-économique (ce qui relève plutôt de la perspective libérale stricte) mais sous son aspect de société-nation-historique. C’est ce qui fait dire à Basile Juléat Fouda que (…) le Négro-Africain est conscient qu’on est d’abord plusieurs ensemble : il se sait homme – avec, homme de série, membre d’une famille, d’une tribu, d’un clan où, tous ensemble, en frères, en équipe, se trouvent dans un engagement actif à portée significative et émergente.
Le Cameroun en 35 ans est tombé entre les mains des anti-étatistes transmetteurs d’un savoir dont ils ne sont pas les dépositaires, des théoriciens de l’ethnie et du clan, qui transpirent la haine de la loi et de ce qui lui est lié, qui ont la haine de l’État, source de la loi dont ils se disent serviteurs. Les bases de la Nation étaient là, solidement implantées si tant est qu’une « Nation c’est un peuple en tant qu’il est né » comme le dit Hegel dans le Cours d’introduction à la Philosophie de l’histoire, titré La raison dans l’histoire, traduction Papaioannou, (Paris, 10/18, p. 219 : « nation » vient de nasci, rappelle Hegel. On sait l’insistance de la pensée nationaliste sur l’essentialité du « sang » et du « sol ».)
Ceux qui sont au pouvoir depuis 1982 n’avaient pas à bâtir une Nation mais un État, en dotant la Nation d’institutions dans la droite ligne de qui avait été commencé par ceux que nous citons abondamment ici. Ils avaient à injecter dans le tissu social de nouvelles formes de pratiques engendrées notamment par la société moderne qui est justement comme le souligne Basile Juléat Fouda, refus de la domination de la nation par la raison surtout quand celle-ci est celle du plus fort. C’est cette volonté de puissance pour employer un terme nietzschéen qui caractérise les gestionnaires du Cameroun depuis 1982.
Ils ne gèrent pas la fortune publique mais le Cameroun dans son entièreté ; hommes et biens. Depuis 1982, le Cameroun n’a eu de cesse d’être entre les mains des prévaricateurs qui dénient aux juristes la capacité de faire un Code (qui encadre le vivre ensemble), qui traitent le peuple en « mineurs » trop peu mûrs pour s’assumer et s’autogérer, bon seulement pour acclamer les sorties et les entrées du couple présidentiel ; bon pour eux et mauvais pour son épanouissement.
Où est donc cet héritage ?
La condition sourcière d’une Nation, mieux d’un État pour parler comme Basile Juléat Fouda, c’est ce « tout organisé », société civile représentée, gouvernement, opposition, institutions. Et non ce morcellement clanique et égoïste auquel nous avons droit aujourd’hui. En situation dans le monde, l’homme devrait entretenir avec lui une relation fondamentale de symbiose. Ceux qui nous gouvernent ont oublié que l’homme vit en symbiose avec les choses, ses compagnes d’existence. Voilà pourquoi l’accaparement n’est pas humain. L’homme évolue au sein des choses dont l’existence lui semble indubitable. Sa continuelle immersion dans les choses lui apparaît, d’emblée, comme l’évidence des évidences.
Tout homme est rapport au monde, au non-moi c’est-à-dire au rapport à l’autre. Ceux qui nous gouvernent l’ont oublié. Ils ont oublié ce qu’est l’élite qui se définit par la qualité d’exemplarité de son petit groupe dynamique. L’élite, n’est-elle pas cette minorité qui manifeste des qualités exceptionnelles ou fait preuve d’aptitudes éminentes dans son domaine ou quelque activité ? La notoriété dont s’entoure l’élite devrait apparaître comme un mérite, corollaire de ses qualités. Ils ne l’ont point compris et ne le comprendront malheureusement pas même en prison.

 

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Professeur Vincent-Sosthène FOUDA 

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