Le 30 novembre 1989, le premier président camerounais Ahmadou Ahidjo décédait à Dakar
Ce jeudi 30 novembre 1989, Ahmadou Ahidjo passe une journée ordinaire dans sa maison située sur la corniche de Dakar, le long de l’océan Atlantique. Sa femme, Germaine, et Adam Maté, ancien étudiant en médecine et ami de la famille, sont à ses côtés. Ils veillent sur l’ancien président du Cameroun qui, depuis janvier, à la suite d’une chute dans sa salle de bains, souffre d’une paralysie partielle des membres inférieurs et ne peut plus se déplacer seul.
L’ambiance est plutôt morne. À 15 heures, un repas lui est servi. Il s’allonge ensuite, en attendant qu’Adam Maté vienne lui prodiguer ses soins. Sa femme lui demande s’il souhaite qu’on lui redresse le lit. Ahidjo ne répondra jamais : il vient d’être foudroyé par une crise cardiaque. Il est 17 h 30. Quelques heures plus tard, à Yaoundé, un communiqué laconique annonce le décès de l’ancien chef de l’État sur les ondes de la radiotélévision.
Premier président du Cameroun
Peul, né à Nassarao, près de Garoua (nord du Cameroun), en 1922, c’est en 1941 qu’Ahidjo, après deux ans de formation à l’École primaire supérieure de Yaoundé, est recruté à la Poste et affecté à Douala. Entré en politique en 1947, il est élu délégué de la Bénoué à l’Assemblée territoriale. Conseiller de l’Union française en 1953, il consolide sa position en accédant à la présidence de l’Assemblée territoriale en 1956, année où il crée le Mouvement pour l’évolution du Nord-Cameroun.
En 1957, le Cameroun devient un État sous tutelle, avec André-Marie Mbida comme Premier ministre et Ahidjo comme vice-Premier ministre.
Pour la France, ce statut doit évoluer vers l’indépendance. Mais elle se trouve devant deux écueils : l’insurrection des nationalistes de l’Union des populations du Cameroun (UPC) depuis décembre 1956 et l’opposition de Mbida à toute idée d’indépendance. Paris ne tergiverse pas, qui décide de mater la rébellion de l’UPC et d’évincer Mbida, qu’il fait remplacer par Ahidjo, considéré comme plus souple.
Ce dernier joue le jeu et transforme son groupe parlementaire en parti, l’Union camerounaise (UC), dont l’influence se limite au nord du pays. Le 1er janvier 1960, il proclame l’indépendance du Cameroun, dont il devient, cinq mois plus tard, le premier président.
La dépouille toujours pas rapatriée au Cameroun
Une fois au pouvoir, Ahidjo montre clairement sa volonté d’être le seul maître à bord, avec pour unique leitmotiv l’unité nationale. Réunification avec ce qui reste du Cameroun sous tutelle britannique, création d’un parti national grâce au ralliement des autres formations politiques à l’UC, rebaptisée Union nationale camerounaise (UNC), musellement de l’opposition Tels sont ses grands chantiers. Et il les réalise avec une habileté et une fermeté inattendues. Si les libertés individuelles sont sacrifiées, il cherche en revanche à moderniser son pays.
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Ahidjo entre dans l’Histoire le 4 novembre 1982, lorsqu’il renonce au pouvoir à l’instar du Sénégalais Léopold Sédar Senghor, deux ans auparavant. Et passe le flambeau à son Premier ministre Paul Biya. Mais il garde la présidence de l’UNC. Biya vit mal cette situation, qui le prive, en quelque sorte, du plein exercice du pouvoir. En mars 1983, Ahidjo propose l’institutionnalisation du parti, pour affirmer sa primauté sur l’État. Biya répond en limogeant du gouvernement des proches de ce dernier, qui quitte le pays en juillet et s’installe en France.
Un mois plus tard, son successeur annonce la découverte d’un complot qu’aurait instigué Ahidjo. En février 1984, au terme du procès des putschistes, l’ancien président est condamné à mort par contumace. Vivant désormais entre la France et le Sénégal, Ahidjo suit de près l’évolution de son pays. Et entre dans des colères récurrentes à chaque mauvaise nouvelle. Sa santé en pâtit, jusqu’au dénouement fatal. Son corps, inhumé à Dakar, n’a toujours pas été rapatrié au Cameroun, faute d’autorisation.